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« Amedeo Modigliani. Un peintre et son marchand » : l’exposition d’une relation amicale

  • Écrit par : Serge Bressan

modiglianiPar Serge Bressan - Lagrandeparade.com / La date demeure incertaine. La fin de l’été ou le tout début de l’automne 1915…

A la vérité, peu importe ! On sait avec certitude que c’est à cette période que Paul Guillaume a pris Amedeo Modigliani sous son aile. Celui-ci a quitté l’Italie en 1906 pour s’installer à Paris. Très vite, peintre et sculpteur, il est devenu vedette dans les hauts lieux de l’art que sont alors, dans la capitale, Montmartre et Montparnasse. « Modi », comme surnommé par ses ami.e.s, a traversé une période de blues ; de santé fragile, il s’est éloigné de la peinture pour se consacrer à la sculpture. C’est Paul Guillaume qui l’a poussé, incité à revenir à la peinture. Paul Guillaume, alors, est l’un des marchands d’art les plus en vue à Paris. Et, cet automne 2023 dans la capitale française, le beau Musée de l’Orangerie dans les jardins des Tuileries propose une indispensable exposition- son titre : « Amedeo Modigliani. Un peintre et son marchand ».

Ah ! Guillaume… Un personnage formidablement romanesque. Né le 28 novembre 1891 à Paris, il grandit dans un milieu modeste et se retrouve à travailler, à l’âge de 13 ans, comme apprenti dans un garage. Ses patrons le disent débrouillard- il n’a pas manqué de repérer, lors des arrivages de caoutchouc nécessaire pour la confection des pneus des masques et autres objets d’art en provenance d’Afrique. Il en disposera certains dans la vitrine du garage. Se promenant dans le quartier, le poète Guillaume Apollinaire les remarque, est grandement intéressé et rencontre le jeune Paul Guillaume. Naissance d’une amitié- et, tel un Rastignac, Guillaume va progresser dans le Tout-Paris. Par l’intermédiaire d’Apollinaire, il va connaissance avec un autre poète, Max Jacob, qui le présentera à des écrivains, des artistes parmi lesquels Pablo Picasso ou encore Amedeo Modigliani. Dans « Paul Guillaume. Marchand d’art et collectionneur (1891- 1934) », la biographe Sylphide de Daranyi rapporte : « A l’époque de leur rapprochement, l’artiste abandonne peu à peu la sculpture pour revenir à la peinture car il souffre de problèmes pulmonaires qui s’aggravent au contact de la poussière des pierres calcaires. D’autres raisons expliquent peut-être cette évolution dont Guillaume se prétendra plus tard le moteur ».
En 1914, Modigliani veut s’engager au début de la Première Guerre mondiale, mais, rappelle Sylphide de Daranyi, « ses problèmes de santé l’en ont empêché. Il est seul et instable, privé de son principal soutien, le docteur Paul Alexandre, qui est mobilisé. Guillaume lui loue un atelier au 13, rue Ravignan, près du Bateau-Lavoir »… Durant cette période, « Modi » peint beaucoup- des nus, des portraits dont quatre de Paul Guillaume en 1915 et 1916. L’artiste nomme l’un de ces portraits représentant son marchand le « Novo Pilota »- tout simplement, le pilote de l’art moderne ! Dans le catalogue de l’exposition, Claire Bernardi, directrice du Musée de l’Orangerie, évoque le premier de ces quatre portraits : il « proclame la relation privilégiée qu’entretiennent le marchand et l’artiste. Guillaume, qui n’a alors que 23 ans, est représenté en costume, ganté et cravaté comme un pilote visionnaire de l’avant-garde, surplombant les mots « Novo Pilota ». Cette inscription nous laisse entrevoir que le galeriste suscite alors un grand espoir chez le peintre ». C’est à cette époque également que Guillaume envoie, avec des œuvres de Chirico et des pièces africaines, des toiles, des dessins et des sculptures d’Amedeo Modigliani aux Etats-Unis- l’ensemble est exposé par Zayas, grand marchand états-unien et correspondant de Guillaume outre-Atlantique, à la Modern Gallery à New York en octobre 1915…
Amedeo Modigliani meurt le 24 janvier 1920, à 35 ans. Commissaires de l’exposition parisienne au Musée de l’Orangerie propriétaire de cinq peintures de « Modi », Cécile Girardeau et Simonetta Fraquelli ne manquent pas d’évoquer « cette amitié au cœur de l'avant-garde artistique », et sont catégoriques : « Paul Guillaume a joué un rôle déterminant après la mort de l’artiste »…

A voir
Amedeo Modigliani. Un peintre et son marchand
Exposition au Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries. Place de la Concorde (côté Seine), 75001 Paris
01 44 50 43 00
www.musee-orangerie.fr
Du lundi au dimanche, de 9 heures à 18 heures. Fermé le mardi. Jusqu’au 15 janvier 2024.

A lire
Modigliani. Un peintre et son marchand
Auteur.e.s : collectif, sous la direction de Simonetta Fraquelli et Cécile Girardeau
Editions : Musée de l’Orangerie / Flammarion
160 pages
Prix : 35 €

Paul Guillaume. Marchand d’art et collectionneur (1891-1934)
Auteure : Sylphide de Daranyi
Editions : Flammarion
256 pages
Prix : 26 €


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