La chute des hommes : Errare humanum est, perseverare autem diabolicum
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Lucie, jeune parisienne qui souhaite devenir "nez", a décidé de partir au Moyen-Orient pour un voyage d'études. Avec sa moue d'ange, ses cheveux blonds comme les blés et sa spontanéité naïve, elle a grandi en étant persuadé que le monde n'est pavé que de bonnes intentions. A la sortie de l'aéroport, emportée par l'enthousiasme du voyage, elle interpelle un taxiteur, Younes, et le persuade - malgré ses réticences - de la conduire à son hôtel. Ce dernier la livre à un groupe d'islamistes dans lequel figure notamment Abou, un "converti" français venu faire le djihad.
Commençons d'abord par exprimer ce qui nous déplaît dans ce long-métrage. Les lieux dans lesquels évoluent les personnages au Moyen-Orient manquent de réalisme et ne convainquent pas totalement, faute de moyens sans doute ( Alors nous n'insisterons pas). Les premières scènes sur Paris, ensuite, sont agaçantes de clichés et de mièvrerie. Le "beau moment" de fraternité à table avec le chant entonné entre la mère russe et l'amie ukrainienne est d'un premier degré regrettable. Comme si l'on tambourinait pour ouvrir une porte...déjà ouverte. L'actrice principale, qui est par ailleurs convaincante dès lors qu'elle subit les affres de ses ravisseurs, exaspère un tantinet lors ses minauderies initiales...Si l'on comprend la volonté de Cheyenne Carron de marquer le contraste entre les espoirs initiaux et la pathétique réalité qui suit, entre une oie blanche et un contexte géo-politique sombre, il semble que le spectateur eût été capable d'effectuer le même cheminement avec davantage de subtilité et de nuances...
Sélectionné au Festival du film d'histoire de Rueil-Malmaison (France - 2016), La Chute des hommes a cependant le mérite d'aborder un sujet délicat et de montrer avec conviction et réussite combien tous les protagonistes sont des victimes d'un système qui les dépasse. Aucun n'a en effet de prise sur son destin ; les deux filles prisonnières dans le camp dépendent de la clémence possible de leurs ravisseurs, Younes se débat pour survivre et satisfaire son épouse aux idées modernes malgré la réalité économique et religieuse de son pays, les djihadistes n'ont d'autre choix qu'obéir à des chefs qui les envoient se sacrifier en martyrs. La photographie, ensuite, est esthétique. Les prises de vue sont d'une fluidité élégante et jouent sur des effets de flou de belle facture. Les mouvements de caméra et de l’image, le choix des gros plans et inserts réguliers soutiennent cette fiction au dénouement angoissant et accentuent l'émotion. Enfin - et surtout! - , les choix de narrativité sont très intéressants. Au moyen de flashbacks récurrents et de changements de points de vue, Cheyenne Carron raconte ce drame en ne nous délivrant les informations sur les intentions et les faits qu'au fur et à mesure...et à rebours...modifiant ainsi, au fur et à mesure du film, notre perception des différents protagonistes. Ajoutons un dernier mot pour les acteurs, d'une grande justesse de jeu : Nouamen Maamar, François Pouron, Sofia Manousha, Diane Boucai nous ont particulièrement touchés.
"La Chute des hommes" est un long-métrage au message douloureux qui se conclut sur une note d'espoir ténue ( mais bien là ) suite à un chaos destructeur qui n'épargne personne et nous invite à une réflexion lucide sur notre perception du monde, nos engagements et nos agissements. On lui souhaite "bon vent"!
La chute des hommes
Date de sortie : 23 novembre 2016 (2h 20min)
De Cheyenne Carron
Avec Laure Lochet, Nouamen Maamar, François Pouron...
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