Le ciel attendra : une fiction bouleversante sur la radicalisation des adolescents
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/La radicalisation d'adolescents est un phénomène contemporain effrayant. Beaucoup pensent de manière erronée que l'embrigadement touche essentiellement les quartiers sensibles, et majoritairement les familles musulmanes. Or, "En France, plus de la moitié des jeunes filles embrigadées sont des converties, issues de la classe moyenne, voire supérieure." Marie-Castille Mention-Schaar s'intéresse, suite à un post sur Instagram d'Emilie Frèche, à ce sujet. Elle décide de suivre des journalistes, rencontre Dounia Bouzar ( anthropologue et directrice du CPDSI) et intègre son équipe qui l'emmène partout où la radicalisation sévit. Avec Émilie Frèche, elles ont senti l'urgence d'écrire un scénario qui témoigne de cette réalité terrible. Avec une sensibilité tangible et une utilisation pertinente de l'analepse, elles nous font côtoyer des êtres "ordinaires" qui sont tentés de rejoindre Daech. De l'isolement de l'adolescent de son environnement socialisant à sa destruction en tant qu'individu au profit du groupe, de son adhésion aux croyances de l'idéologie djihadiste à la déshumanisation de l'embrigadé et de ses futures victimes, des séances de soutien aux familles- dans l'incompréhension et l'impuissance - à celles de "désembrigadement" pour les jeunes, des descentes de police dans les maisons des adolescents pistés aux vidéos d'embrigadement diffusés sur le net, du grand départ orchestré par des "soeurs" à la promesse d'un "paradis" et d'une rédemption pour ceux qu'on aime, ce long-métrage additionne la qualité didactique et pédagogique d'un documentaire au talent émotionnel d'une fiction. Impossible de ne pas être profondément bouleversé par le thème et de ne pas se sentir concerné. Ce film sensibilise le spectateur aux risques auxquels les jeunes peuvent être exposés via les réseaux sociaux et les téléphones portables. Sans culpabiliser, il appelle à garder un œil vigilant sur cet âge fragile, qui a soif de rêves et aspire à croire en une utopie dans le monde désenchanté que l'adulte, sans le vouloir, peut lui raconter au quotidien.
Certaines séquences du film se gravent en mémoire : Sandrine Bonnaire, en mère terrorisée à l'idée que sa fille puisse partir en Syrie, bouleverse pelotonnée dans sa couette par terre devant la porte d'entrée. Zinedine Soualem, en père impuissant, représente avec délicatesse la pudeur masculine qui perd ses mots face à l'impensable. Clotilde Courau est tout simplement prodigieuse en mère brisée. Yvan Attal, en père désemparé, offre avec simplicité, lors d'un interrogatoire policier, une réflexion bénéfique qui rappelle la situation de victime de ces familles qui subissent un drame inimaginable et sont souvent sollicités et contrôlés. Noémie Merlant, incarnant Sonia, l'adolescente qui ne réussira pas à partir en Syrie, doit être applaudie pour son interprétation exceptionnelle de cette jeune femme radicalisée. Naomi Merlant, jouant Mélanie tombée amoureuse d'un "prince" sur Internet, trouble au plus haut point tant son minois d'enfant modèle semble interdire toute dérive. Toutes deux manifestent une maturité de jeu épatante dans une palette contrastée d'émotions.
Marie-Castille Mention-Schaar use d'une esthétique attrayante ; les jeux avec la lumière, la mise en valeur des visages, les séquences de nature où un rayon de soleil perce un rideau ou des fleurs se balancent dans la brise offrent un contrepoint à la violence des réalités évoqués....et rappellent que l'espoir renait des petites choses qui se construisent avec courage et patience. Sonia s'en est sortie - pas complètement indemne et avec une épée de Damoclès contre laquelle son entourage devra être vigilant-, Mélanie reviendra-t-elle un jour? Si la fiction est ouverte à tous les possibles...Demain, dans la vraie vie, ce pourrait être Sophie, Leïla, Lola, Pauline, Alexandre, Maël...Notre devoir d'adulte, d'enseignant, de parent est de tenter de détecter leur possible embrigadement, de ne pas minimiser et fermer les yeux sur leurs drames et leurs changements d'attitude et de les protéger au quotidien en les informant ....en commençant par les amener voir ce long-métrage aussi qui fait l'effet d'un coup de poing indispensable dans le ventre!
Le ciel attendra
Date de sortie : 5 octobre 2016 (1h 44min)
De Marie-Castille Mention-Schaar
Scénario de : Marie-Castille Mention-Schaar et Emilie Frèche
Avec Sandrine Bonnaire, Noémie Merlant, Clotilde Courau, Zinedine Soualem, Naomi Amarger, Sofia Lesaffre, Yvan Attal, Lauréna Thellier….
Equipe technique
Directeur de la photographie : Myriam Vinocour
Chef monteur : Benoît Quinon
Chef décoratrice : Valérie Faynot
Directrice du casting : Marie-France Michel
Directeur du casting : Christophe Istier
Directeur de production : Philippe Saal
1er assistant réalisateur : Zazie Carcedo
Chef costumier : Virginie Alba
Scripte : Joëlle Hersant
Ingénieur du son : Dominique Levert
Mixage : Armelle Mahé
Régisseur général : Vincent Piant
Monteur son : Nikolas Javelle
Directrice de post-production : Ana Antunes
Chef coiffeur : Gérald Porcher
Chef coiffeur : Diane Duroc
Chef maquilleur : Fabienne Robineau
Chef maquilleur : Jean-Christophe Roger
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