Violette sur l’herbe à la renverse : dans les poèmes de Lana Del Rey…
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / La première fois, comme tant d’autres, on a entendu « Born to die » et « Video Games »- deux chansons imparables, c’était en 2011. On nous disait que la chanteuse avait alors 26 ans, était américaine et s’appelait Lana Del Rey.
Rapidement, on a appris que c’est évidemment un pseudo, que la jeune femme est née Elizabeth Woolridge Grant à New York et que son nom d’artiste fait référence à l’actrice américaine Lana Turner (1921- 1995) et à Marina del Rey, un village de pêcheurs à Los Angeles. Avec ce pseudonyme et son look furieusement glamour années 1940, certains se sont empressés de la surnommer « Coin coin » tandis que d’autres raillaient son look de pin up, cheveux longs ondulants et lèvres exagérément pulpeuses… N’empêche ! aujourd’hui, onze ans plus tard, Lana Del Rey est une star mondiale. Neuf albums (dont, pour la seule année 2021, « Chemtrails Over The Country Club » et « Blue Banisters ») vendus à vingt millions d’exemplaires sur la planète, on y ajoute treize millions de singles et nombre de tournées où l’élégance est le mot d’ordre.
En ce cœur d’hiver, on la retrouve non pas dans les bacs des disquaires mais dans les rayons des librairies. Avec la VF d’un ouvrage paru outre-Atlantique en 2020 : « Violette sur l’herbe à la renverse ». Là encore, pour son premier livre, Lana Del Rey nous vient toute en élégance raffinée. D’abord, on est embarqué par la couverture. Envoûtante. On pourrait y entendre Hope Sandoval, la chanteuse du groupe Mazzy Star, ou encore l’éblouissante Julee Cruise, la chanteuse des BO des films de David Lynch… On va y lire Lana Del Rey ! Laquelle s’adresse, en ouverture, à la lectrice, au lecteur : « A vous dont les mains chaudes et abîmées sont tombées par un bel après-midi sur ces pages- où que vous les ayez trouvées- n’oubliez jamais que le monde a tout fait pour qu’elles soient à vous ». Délicieuse invitation à la lecture, comme d’autres envoient de belles invites au voyage…
Présentant son recueil d’une trentaine de poèmes accompagnés de nombreuses photos qu’elle signe également, Lana Del Rey précisait : « Certains de ces poèmes sont venus à moi dans leur intégralité, d'abord enregistrés puis tapés à la machine. Pour les autres, j'ai œuvré à décortiquer les mots afin de rédiger les plus beaux poèmes. Ma poésie est éclectique et honnête, elle n'essaie pas d'être autre chose. Et j'en suis fière, car c'est mon cœur qui a guidé ma plume ». Dès le premier poème qui donne son titre au recueil, « Violette sur l’herbe à la renverse », on sait qu’il y aura du beau. Et aussi de la mélancolie- marque de fabrique de l’Américaine. Extrait : « (…) Et puis j’ai traversé la porte / traversé le séjour / et vu Violette / sur l’herbe à la renverse / 7 ans et des pissenlits écrasés / à poings fermés / le corps arqué comme un pont après un poirier raté / le visage fendu du sourire large et sauvage qu’ont les fous… » Et dire que quelques autoproclamé.e.s auteur.e.s francophones se présentent comme pratiquants de la poésie en vers libres- on ne leur dira qu’une chose : s’ils ou elles ont un minimum d’humilité (ce dont on peut légitimement douter), qu’ils ou elles lisent « Violette sur l’herbe à la renverse »…
Une autre confidence de Lana Del Rey : « Certains de ces poèmes me sont venus d’une traite : je les ai enregistrés sur le moment puis tapés à la machine. Pour d’autres, ce fut plus laborieux, j’ai pesé chaque mot pour aboutir au poème parfait. Ils sont tous très différents, sincères. Ils n’essaient pas d’être autre chose que ce qu’ »ils sont et j’en suis fière car lorsque je les ai écrits, j’étais au plus près de moi-même »… Dès lors, « Violette sur l’herbe à la renverse » devient de somptueux atours d’un journal intime. Ainsi, dans des poèmes comme « La terre aux mille brasiers », « Jamais jusqu’aux cieux », « Serveur discret- triste à jamais » ou encore l’exquis « Salamandre » (« Hors de mes veines, salamandre / Malgré tous mes efforts je ne parviens pas / à t’extirper de mes pensées… »), Lana Del Rey se dévoile comme rarement. Comme jamais. Toujours avec douceur. Et longtemps résonnent les mots « del reyiens » : « L’univers existe dès lors qu’on l’envisage »…
Violette sur l’herbe à la renverse
Auteure : Lana Del Rey
Traduction : Aurore Vincenti et Cécile Coulon
Editions : Seuil
Parution : 4 mars 2022
Prix : 18 €
Extrait
« Tu te déplaces comme l’eau doux garçon, doux serveur
avec toi la nuit ne sourit à personne tu sers
un menuisier silencieux après minuit et bien plus tard encore
mon amant mon éclat de rire mon armure mon créateur
Quand je suis avec toi je sens comme une douleur
dans mon ventre les cocktails concoctent
Un univers suspendu tel un mobile
l’alignement de ces planètes est unique
En moi le monde tourne autour du soleil
aucune terre seule la mer (…) »