Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Aatea fait partie de la caste des navigateurs, un des plus talentueux parmi eux.

Il peut déplacer son navire à travers la Nuée, des océans en suspension, des tunnels d’eau parsemés d’îles vivantes. Il est toutefois considéré comme un paria, bien que fils de reine, puisqu’il ne possède pas le filament, ce symbiote qui octroie à son peuple une immunité contre les toxines qui suintent des racines géantes. Seule la navigation lui permet de supporter la servitude à laquelle le contraint le rigide système de castes dans lequel il vit. Une attaque de pirates (des humains sans symbiotes acculés à voler pour survivre) ayant coûté la vie à tout son équipage, Aatea se voit interdire la navigation. Désespéré, il suit le chemin tracé autrefois par sa grand-mère, qui vient de mourir, et s’enfuit sur les flots instables, en quête de ces communautés indépendantes dont elle lui a parlé.

Quel univers ! Des îles vivantes, des humains affublés d’un filament qui leur permet de supporter leur contact, une société corsetée, entre nobles arrogants, navigateurs indispensables mais réduits à l’état d’esclaves destinés à servir. Les castes sont parfaitement étanches, la violence omniprésente. Seule la capacité d’Aatea à « oncevoir Â» (sentir les mouvements des îles, des poches d’eau, leurs évolutions, les déplacements de leurs habitants) le protège quelque peu.

Il vous faudra sans doute vous accrocher un peu en début de lecture, ce monde est difficile à appréhender, tant il est autre. Mais laissez-vous porter, vous ne le regretterez pas ! Nous suivons avec intérêt les aventures d’Aatea, les épreuves qu’il traverse, dans ce qui devient quête initiatique et récit d’exploration fascinant. C’est un personnage particulièrement attachant, qui nous amène à vibrer de plaisir en sa compagnie quand il onçoit, à frémir face aux dangers qu’il affronte, à rager lorsqu’il subit les humiliations des puissants. Le lien qu’il crée avec une petite fille qu’il sauve est bouleversant de vérité sur la relation père-fille. Les protagonistes secondaires ne sont pas en reste, et sont très travaillés ; antagonistes ou alliés, ils sont toujours nuancés et parviennent à nous surprendre.

La subtilité dont l’autrice fait preuve pour aborder des sujets délicats, l’ouverture vers le monde et les autres qui sont au cœur de cette histoire malgré une société corsetée, la justesse de son écriture séduisent le lecteur. En dépit de la violence de ce qu’il raconte, Aatea est un récit lumineux, porté par la volonté d’un héros qui découvre l’espoir, l’amour, la quête de la liberté. L’émotion est de plus en plus présente, soutenue par une poésie qui n’oublie jamais l’humain.

Anouk Faure, artiste plasticienne en sus d’écrivaine, agrémente le roman d’illustrations intérieures à l’encre de chine, qui nous offrent la possibilité de nous plonger dans son monde, et/ou de voir représentés les protagonistes de cette histoire.

Aatea est un magnifique voyage dans un univers très original, dont on ressort l’âme en paix, et portant en nous pour longtemps ses personnages.

Aatea
Autrice : Anouck Faure
Éditions : Argyll
Parution : 15 janvier 2025
Prix : 24,90 €