Les sentiers de Recouvrance : un roman d’espérance, des portraits d’adolescents très juste, une écriture subtile et belle
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ 2035. Nas grandit dans une Espagne frappée de plein fouet par les conséquences du réchauffement climatique. À la mort de son père, elle se sent étrangère dans les décombres de sa famille. Ayden a appris qu’à jouer avec le feu, on se brûle. Il fuit, lui aussi, ce quotidien devenu insupportable. Ils ne se connaissent pas, mais chacun a pris, de son côté, le chemin de la Bretagne, de l’Île de la Recouvrance où ils pourront, peut-être, recommencer à espérer.
S’agit-il de SF ? On ne sait pas, à peine sans doute, mais si l’effet est déroutant de prime abord, quand on a lu les autres romans de l’autrice (Quitter les monts d’automne et Les chants de Nüying chez le même éditeur, on plonge avec bonheur dans ce récit.
Dans la première partie, nous suivons alternativement les deux adolescents, qui nous racontent leur cheminement, émaillé de souvenirs d’enfance. Nas évolue dans une Espagne asséchée, où le réchauffement climatique remodèle les sites naturels et la vie quotidienne. Ayden, lui, grandit en banlieue, dans ces immeubles où la chaleur exacerbe tout. Leurs voyages sont pour l’autrice l’occasion de décrire les paysages qu’ils traversent, avec une écriture toute en nuances, qui prend le temps de s’attarder sur les descriptions, de la faune, de la flore, des paysages, comme une ode à ce qui disparaît par la faute des hommes. L’écosystème est un personnage au même titre que ces ados, auxquels on s’attache parce qu’ils sont justes. On comprend que ces jeunes brisés ont besoin de se reconstruire, de parcourir le long chemin vers l’espoir. Ce sont deux roads trips un peu désespérés, un peu joyeux, profondément ancrés dans la nature.
Au milieu du roman, un élément nouveau surgit, qui fait basculer le récit. Ce sont alors deux portraits profonds, sensibles d’adolescents qui doivent se (re)construire dans une société où la crise climatique a remodelé le quotidien et l’avenir. Dans un monde aussi où leurs histoires personnelles sont émaillées de ruptures, de fractures, de blessures. Sur l’Île de la Recouvrance, ils devront apprendre à imaginer leur futur (notre futur ?). La plume d’Émilie Querbalec suit avec tendresse, avec rage, avec désespoir, avec espérance les parcours de ces jeunes, qui acquièrent une profondeur remarquable dans cette seconde partie.
Si les deux précédents romans d’Émilie Querbalec nous avaient entraînés loin dans l’espace et dans le temps, nous restons ici ancrés dans un horizon très proche, très réaliste. Pourtant, Les sentiers de Recouvrance fleure bon le futur, parce que l’autrice trace un chemin, à tout le moins une réflexion sur ce que se sera (pourrait être) notre avenir, si nous acceptons de nous poser les justes questions, si nous acceptons de redécouvrir la nature, de ne pas oublier ce qu’elle est, la place que nous y tenons, comme chaque espèce vivante, faune ou flore.
La recouvrance est un joli mot, qui parle de reconstruction, des êtres humains, de l’écosystème, des liens qui redonnent vie, des sentiments qui soutiennent, d’espoir aussi. Le roman est clairement tourné vers le futur, un futur pas encore écrit, pas complètement, un futur qui peut être beau, pourvu qu’on lui donne sa chance.
Les sentiers de Recouvrance, ce sont de magnifiques portraits d’adolescents, très justes. Ce sont des descriptions splendides, qui invitent à regarder le monde avec les yeux de l’amour. C’est une écriture subtile qui touche et émeut profondément. C’est un plaidoyer pour un avenir meilleur, qui nous encourage à espérer…
Les sentiers de Recouvrance
Autrice : Émilie Querbalec
Éditions : Albin Michel Imaginaire
Parution : 17 janvier 2024
Prix : 17,90 €
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