Annibale : le roman d’un « misanthrope affamé des autres »
- Écrit par : Félix Brun
Par Félix Brun - Lagrandeparade.com/ Minéras, un village de pêcheur sur la côte andalouse…1962, juin ou peut-être juillet…Annibale, par le plus pur des hasards, échoue dans ce petit port, au beau milieu du tournage de Lawrence d’Arabie…il va construire sa demeure en bordure de plage et va y passer toute son existence. Il dessine, peint, sculpte…dans cette "maison capable de canaliser une certaine folie entêtée à ne pas vouloir être étiquetée artiste, tout en l’étant absolument."
« Annibale […] tombé amoureux de cette terre comme d’une femme qu’on croise par hasard dans un aéroport, a la certitude d’avoir enfin trouvé l’endroit où il pourra vivre. » Minéras avec Lawrence d’Arabie a attiré les gens, des personnes illustres et leur cour… Dans cette Espagne durablement empêtrée dans la controverse de la Guerre Civile et de la dictature franquiste où vivent tant de personnages tout autant controversés ! Marié à plusieurs reprises, il a un fils Pao, les relations sont compliquées…Annibale tombe en jachère sexuelle quand, en 1999, il rencontre Deva, coïncidence heureuse qui va réveiller en lui un appétit, une imagination sexuelle exceptionnelle…Deva la française se prête à ce jeu ; "il ne peut s’empêcher de s’aventurer du côté que la morale réprouve : faire le faussaire, faire le gigolo. Toujours son talent à rentrer dans un rôle. A prétendre être ce qu’il n’est pas. A se glisser dans la peau d’un autre lui-même." Annibale est un misanthrope qui aime les femmes, leur complicité sexuelle, la découverte charnelle… "Exploration dont la limite est celle qu’on ne se fixe pas."
La vie d’Annibale l’italien a été marquée par une enfance difficile, par des rapports familiaux complexes, difficiles, par la guerre que son pays a menée avec les nazis…Annibale vieillit, et se rapproche d’une issue annoncée. Minéras, au fil des ans, est devenue défigurée par un urbanisme démesuré, sauvage, vénal…la beauté se meurt aussi. Annibale reste un homme libre malgré tout, sans contraintes, sans attachements ; « Habitué depuis l’enfance à ce que personne ne souhaite vraiment sa présence, il avait appris à vivre avec ce sentiment de rejet implicite, et comment dire, s’y sentait à l’aise. »
Ce premier roman de Dominique Frétard est surprenant ; l’écriture est subtile, sensuelle, suggestive. L’écrivaine joue de l’analepse et des métaphores à propos et avec perspicacité. Un récit captivant où l’on croise Eva Garner, Peter O Tole, David Lean, Omar Sharif, Hemmingway, Dominguin. Un bon moment de lecture. Un vrai talent, à quand le prochain roman ?
ANNIBALE
Auteure : Dominique Frétard
Editions : Belfond
Date de parution : 1er octobre 2020
Prix : 18€