"La grande escapade" de Jean-Philippe Blondel : l’adieu à l’enfance
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / De lui, on sait peu- si ce n’est qu’il a 54 ans et qu’il est professeur d’anglais près de Troyes, dans le département de l’Aube. On sait aussi que, discrètement, il construit une belle œuvre dans le monde de la littérature francophone depuis « Accès direct à la plage » (2003). Ainsi, on retrouve Jean-Philippe Blondel avec un quinzième roman, au titre joliment évocateur : « La grande escapade ».
En cette rentrée, c’est le livre de l’adieu à l’enfance, aussi le « Clochemerle » de l’école communale dans les années 1970. Un roman finement ciselé empli de nostalgie et de drôlerie- la marque de fabrique « blondélienne ». Nous voilà embarqués dans une petite ville qu’on imagine près de Langres, en Haute-Marne. L’établissement scolaire Denis-Diderot, tout en briques rouges. Il y a aussi un jardin public, un terrain vague… et les habitants du groupe scolaire- des instits et leurs familles. Dans ces années 1975- 76, il y a les Coudrier, les Goubert, les Lorrain et les Ferrant ; il y a Francine, Marie-Dominique et Janick, aussi... sans oublier l’ineffable Geneviève Coudrier : « Elle reste en arrêt devant les deux silhouettes au bas des escaliers. Ils ne se touchent pas mais elle ressent les ondes qui passent entre eux. Geneviève Coudrier a le nez pour ça. Elle aurait fait une concierge exemplaire, surtout pendant la Deuxième Guerre mondiale ». Dans cette comédie sociale, dans cette « Grande escapade » en forme de fresque sociale, ça navigue entre coups de foudre et trahisons, éclats de rire et émotions. De ce monde d’hier où les femmes relevaient la tête, Jean-Philippe Blondel a tricoté, avec « La grande escapade », un de ces romans qui balancent entre légèreté et profondeur. Le roman d’un auteur qui ne se prend pas au sérieux, ce qui ne l’empêche nullement d’écrire avec humour et intelligence (des qualités qui méritent d’être grandement relevées par les temps qui courent !). Un roman au délicieux goût de diabolo menthe…
La grande escapade
Auteur : Jean-Philippe Blondel
Editions : Buchet-Chastel
Parution : 15 août 2019
Prix : 18 €
[bt_quote style="default" width="0"]Il règne entre toutes les femmes de France une sorte de compétition amicale pouvant virer à l’aigre autour de la pâtisserie. Les épouses ont appris de leurs mères que l’on ne garde un homme que par le sexe ou la cuisine et, l’âge et l’habitude aidant, elles se sont toutes tournées vers la confection de gâteaux plus ou moins compliqués qui, s’ils ont le défaut d’empâter encore leurs maris dont les ventres se mettent à gonfler autour de la quarantaine, ont du moins la vertu de les faire fondre mentalement- ils deviennent, à la fin du repas, de molles marionnettes faciles à manipuler… Certaines se sont d’emblée extraites de ce concours tacite…[/bt_quote]
Et un deuxième avis de notre chroniqueur Félix Brun:
La grande escapade : un roman touchant
Par Félix Brun - Lagrandeparade.com/ Dans cette ville de province, le groupe scolaire Denis Diderot réunit une école maternelle, une école de filles, une école de garçons. Nous sommes en 1975, un jeune Président de la République, 68 a libéré les esprits et diffusé ses idées nouvelles et novatrices en matière d’éducation… le premier choc pétrolier a marqué l’économie, le mouvement féministe s’affirme… la femme s’impose dans le monde du travail…la mixité à l’école devient une réalité…Une période charnière pour la société française que Jean-Philippe Blondel décrit avec subtilité, réalisme et humour à travers la vie de ce microcosme scolaire. Les familles des directeurs occupent les logements de fonction au-dessus des classes, se jaugeant, s’épiant, se comparant ; les enfants échangent et jouent entre eux, se querellent, investissent un terrain vague , construisent leur cabane…Et, les "curés de la République" s’opposent aux nouvelles méthodes ; les rivalités, les ambiguïtés, les quiproquos et la jalousie animent cette communauté qui s’affirme de gauche : "D’une gauche de la couleur du rosbif qu’on sert régulièrement lors de ces repas. Pas saignant. Ni bien cuit. Juste à point." La galerie des personnages illustre parfaitement cette fresque sociale. Un très bon moment de lecture, un rappel nécessaire de ce monde d’hier!