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Jusqu’à la bête : le mec des abattoirs de Timothée Demeillers

  • Écrit par : Félix Brun

bêtePar Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ Erwan travaille dans un abattoir industriel d’Angers ; il assure le poste aux frigos de ressuage, les cadences des animaux abattus sont infernales : "Et les carcasses défilent. 5412.5413.5414. Me perdre dans le boulot. Dans le bruit. S’abrutir dans le bruit. S’abrutir de sang. S’abrutir de froid. "

Comment s’évader de ce quotidien, "et de tenter de désengluer ses pensées, de se sortir de ce cycle infernal, gouverné par la haine, la haine des autres, la haine du passé, la haine de soi et de rien."… ?
Comment échapper au bruit obsédant, abrutissant des chaînes qui pénètre l’esprit… "Clac. Clac. Clac. Jusqu’à la fin de la journée. Jusqu’à la fin de la semaine. Jusqu’aux vacances. Jusqu’à la retraite."
Comment se débarrasser de l’odeur imprégnée jusque sous la peau, jusque dans la tête, odeur de sang, odeur de mort… ?
Erwan tente d’oublier ces tâches répétitives, ce labeur d’ennui et de morosité, ce collier de misère et d’indifférence, ce désert de fraternité et d’humanité ; il repense à son enfance avec son frère Jonathan, à ses amourettes trop tardives et ses amours sans lendemain, ses parties de pêche, ses difficiles rapports avec son père, sa mère trop soumise, ses angoisses, ses peurs… 

[bt_quote style="default" width="0"]Quinze ans d’absurdité de la vie, où tout n’est qu’attente. Attendre la fin de la journée. La fin de la nuit. La fin de la semaine. Attendre les vacances. Attendre la retraite. [/bt_quote]
Et puis la dérive, la chute, l’évènement irréparable, absurde et irrationnel lui aussi… !
Timothée Demeillers nous rappelle avec talent la souffrance du monde ouvrier, celui des tâches ingrates, répétitives, celui de la production dans des conditions difficiles, inhumaines, dégradantes. Le monde ouvrier n’existe plus, il ne reste plus que des ouvriers ; l’égoïsme, l’indifférence, la sectorisation ont détruit l’esprit qui animait la solidarité et l’entente ouvrière. Le profit, la concurrence effrénée, la mondialisation guident la sphère industrielle et creusent le fossé entre ceux qui dirigent, qui administrent, qui encaissent et les ouvriers. « Jusqu’à la bête » nous replonge dans l’absurde de Sartre, de Camus, de David Pearce. Une écriture toute en rythme, cadencée comme une chaîne d’usine ; l’auteur joue de l’analepse avec maestria. Un grand moment de lecture d’un livre engagé et d’un réalisme déconcertant.

Jusqu’à la bête
Auteur : Timothée Demeillers
Editions : Asphalte
Parution : 31 août 2017
Prix : 16€


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