Guerilla : un roman d'anticipation dérangeant et qui suscite le débat
- Écrit par : Nicolas Bodou
Par Nicolas Bodou - Lagrandeparade.fr/ France année zéro. « Ce jour-là , il avait l’impression de respirer du vide. Il y avait quelque chose de lent et de lourd dans cette atmosphère de soir et de ville. Quelque chose de final. »
17h00, un appel de détresse dans une cité sensible, des policiers sont pris dans un guet-apens, les coups de feu retentissent…Des émeutes éclatent un peu partout sur le territoire. Les branches terroristes résidantes sur l’hexagone s’en mêlent, le gouvernement reste fébrile, par peur d’envenimer une situation pourtant déjà critique. Tel est le point de départ du roman d’anticipation de Laurent Obertone, qui décrit les derniers jours du pays, trois jours où la France va se consumer, trois jours où tout s’arrête… Les institutions s’écroulent, l’Etat ne répond plus, la guerre du tous contre tous prend forme au fil des ces 425 pages de chaos, brillamment décrites par l’auteur. C’est un récit poignant et terriblement anxiogène que nous livre Laurent Obertone. Ce scénario du pire, basé en partie sur le travail des services du renseignement français, vous happe littéralement, c’est une claque !
« Cet exploit des médias, de rendre les gens fiers de leur inconscience…Ces tirades si banales, proclamées comme si elles impliquaient le dernier des courages…Tout ça l’agaçait. A chaque incident, à chaque attaque terroriste, la même rengaine. « Ils n’auront pas ma haine. Il faut faire la fête. Ils ne gagneront pas. » Ils n’ont pas besoin de gagner, pensa le serveur, puisque nous avons déjà perdu. »
Trois jours décrits au travers de 57 chapitres courts, incluant une série de personnages, qui offrent un certain souffle au récit, qu’ils soient acteurs, victimes ou spectateurs de la situation.
« Aime ton prochain comme toi-même, mais ne va pas croire qu’il te laissera en vie. »
Egratignant au passage, non sans humour, quelques « belles âmes », que notre époque fournit en bloc. Ceux à qui, pour l’auteur, une certaine idéologie a fait perdre le sens commun. Ou encore des tartuffes qui ne croient pas un mot des beaux discours qu’ils assènent à longueur d’édito.
« Tu ne comprends pas, avait soupiré Lorenzino. Tu dois oublier ce baratin. Dès aujourd’hui, nos valeurs n’ont plus cours. L’amour, les droits, le respect, la civilisation…C’est fini. Ce ne sont que des mots. Ce soir, c’est la fin de la fiction. Tu veux partir en province ? C’est le pays qu’il faut fuir ! Ici le chaos te rattrapera. La faim et la peur ne laisseront pas une réserve intacte, pas un bâtiment debout, pas une âme en paix. Nous sommes au seuil du réel pur. Il faut que tu comprennes : il n’y a plus de royaume imaginaire, d’illusion numérique ou verbale. Demain, ce sera la fin du probable. Demain l’amour ne sera plus que le cri désespéré des condamnés à mort. »
Laurent Obertone a regardé au fond de l’abîme et en a tiré un brillant roman d’anticipation. Dérangeant certes, mais qui interroge et suscite le débat.
GUERILLA
Auteur : Laurent Obertone
Editions : Ring
425 pages
Prix : 19,95 euros