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Reportage littéraire : Avec « Tokyo Vice » le journalisme narratif revient en France

  • Écrit par : Guillaume Chérel

Tokyo VicePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/  En publiant « Tokyo Vice Â», de l’américain Jake Adelstein, les jeunes Éditions Marchialy alimentent la flamme avec des histoires vraies au long cours, portées par une exigence littéraire : grands reportages aux frontières du roman d’aventure, sur les traces de Jack London, ou Joseph Kessel, enquêtes romancées influencées par « De sang-froid Â» de Truman Capote, héritage gonzo de Hunter S. Thompson. Acuité du journaliste et savoir-faire du bonimenteur à la Cendrars, leurs livres sont autant de témoins, de traces. De la littérature du réel. Une bonne manière de définir ce journalisme littéraire américain issu des grands magazines de la côte Est.
Les Américains appellent ça narrative non-fiction, long form, ou narrative journalism. Le genre a ses héros : Truman Capote, on l’a vu, Tom Wolfe, Norman Mailer, Joan Didion, l’incontournable Hunter S. Thompson, Janet Malcolm, Gay Talese (encore vivant), et David Foster Wallace, devenu auteur culte depuis son suicide il y a quelques années.
Le sujet est souvent à mi-chemin entre l’ordinaire, apanage du roman, et le spectaculaire, domaine de la presse. La méthode d’investigation est rigoureusement journalistique, mais l’écriture convoque les techniques de la narration littéraire : mise en scène, caractérisation des personnages, subjectivité assumée du narrateur, souvent présent et actif. L’écriture est travaillée, mais s’impose - journalisme oblige - de rester limpide. Comme la profession de foi (ci-dessus) de cette maison indépendante, loin de Saint-Germain-des-Près, qui travaille en famille, et a su trouver un cousinage chez ce dingo-gonzo de Jake Adelstein qui n’a pas hésité à risquer sa vie (et celle de sa famille) pour faire son boulot de journaliste. Voire mieux… D’écrivain moderne.
Quand Jake Adelstein intègre en 1993 le service Police-Justice du plus grand quotidien japonais, le Yomiuri Shinbun, il n'a que 24 ans et il est loin de maîtriser les codes de ce pays bien différent de son Missouri natal. À Tokyo, il couvre en étroite collaboration avec la police les affaires liées à la prostitution et au crime organisé. Pour cela, il n'hésite pas à s'enfoncer dans les quartiers rouges de la capitale, dans les entrailles du vice et de la décadence. Approché par les yakuzas, il devient leur interlocuteur favori tout en restant un informateur précieux pour la police. Une position dangereuse, inédite et ambivalente, aux frontières du crime, qui incite Jake Adelstein à entrer dans un jeu dont il ne maîtrise pas les règles.

 A mi-chemin entre le polar mafieux et l'enquête journalistique, « Tokyo Vice Â» est aussi le roman initiatique d'un jeune journaliste américain à Tokyo qui nous livre, avec beaucoup d'humour, un témoignage nerveux sur l'envers de la société nippone. L’auteur est le premier étranger à avoir intégré la rédaction de ce grand journal japonais. Pendant plus de dix ans, il couvre le trafic d'êtres humains et le crime organisé. À la suite de son enquête sur les yakuzas, sa famille est placée sous protection du FBI pendant plusieurs années. Aujourd’hui, il soigne une grave maladie et travaille sur un nouveau livre du même tonneau.

Tokyo Vice : un journaliste sur le terrain de la police japonaise de Jake Adelstein, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cyril Gay, 474 p, 21 euros, éditions Marchialy.


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