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Salon du livre de Paris 2016 : un nouveau vent souffle de l’Asie

  • Écrit par : Guillaume Chérel

AsiathèquePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ La Corée est le pays invité d’honneur du Salon du Livre de Paris qui ouvre ses portes ce jeudi 17 mars 2016, jusqu’au 20, à Paris, Porte de Versailles. Jusque-là, on  connaissait l’excellent travail des éditions Picquier, en matière de littérature asiatique. Elle a dorénavant une concurrente. Maison créée en 1973, par deux passionnés d’Asie, Christiane et Alain Thiollier se sont d’abord consacrés à la pédagogie des langues, en lien étroit avec l’institut national des langues et des civilisations orientales (Inalco). Aujourd’hui, l’Asiathèque, spécialiste des cultures du monde, s’ouvre à la fiction.
 Créée en ce début d’année 2016, sous l’impulsion de Philippe Thiollier, son directeur, cette nouvelle ligne éditoriale ouvre avec deux des littératures contemporaines les plus inventives et les plus modernistes du moment : les littératures coréenne et taïwanaise : « J’ai voulu créer cette impulsion, au moment même où la France célèbre « L’année de la Corée » et où l’on sent un vrai intérêt pour la culture asiatique contemporaine : ouverte, hypermoderne, d’emblée mondialisée, mais aussi sensible et enracinée dans des traditions qui nous sont souvent inconnues.».

En ce début d’année l’Asiathèque avait publié un succulent récit tout en finesse, « Halabeoji », de Martine Prost, retraitée, spécialiste de la Corée. Pour épouser son fiancé coréen, une jeune française rencontre la famille de celui-ci et doit obtenir l’accord du grand-père, vieil érudit spécialiste des plantes : « La dynastie Joseon, des Yi – et ses cinq siècles de confucianisme – avait pris fin en 1910 mais elle semblait continuer à vivre dans l’allure et le comportement de ce grand-père à la longue barbe blanche, longue et effilée, aux petite lunettes à montures en écaille et verres épais, au vêtement traditionnel coréen, impeccablement amidonné. » Au début, on  se croirait dans un roman de Pa Kin, ou de Lu Xun, les deux écrivains classiques chinois, puis Martine Prost impose son point de vue de femme occidentale mariée à un coréen. Dommage que cela se termine au bout de seulement 50 pages. On aurait aimé en lire davantage. Mais, même si on ne maîtrise pas la langue Coréenne, on apprécie de voir inscrits les idéogrammes savamment introduits dans le texte.
Né en 1972, Park Hyoung-su propose un recueil de nouvelles, intitulé : « L’Art de la controverse ». Ce dernier a le talent de porter à leur paroxysme des situations ordinaires (titre d’un des meilleurs livres de Serge Joncour chez nous) jusqu’à en faire des tragédies burlesques. Ses récits sont menés tambour battant avec un humour noir ravageur. Les personnages pratiquent en effet l’autodérision et cachent sous une allure agressive, teintée d’un complexe de supériorité, une grande vulnérabilité née de profondes blessures intimes. En toile de fond se dessine l’injustice de la condition humaine. Emblématique du recueil, « Menace sur le territoire », raconte un voyage en train où le « héros » défend son espace vital contre une série de voisins indésirables… La métaphore est parfaite quand on connaît un peu l’histoire de la Corée, coincée entre des géants voisins belliqueux.
« Le Phare », de Lim Chul-woo, né en 1954, est un roman, coréen toujours, basé sur les souvenirs d’enfance de l’auteur en milieu déshérité, à la périphérie de la ville de Kwangju. Un père absent, une mère luttant seule pour élever trois enfants dont une fillette handicapée. Âgé de 13 ans, Cheol devra apprendre à se confronter à l’humiliation, à la culpabilité et à la souffrance psychologique. Deux choses le sauvent : l’empathie qu’il éprouve à l’égard de son  entourage et sa capacité à imaginer des histoires qui vont « réchauffer le cœur des autres ». Cet auteur a déjà reçu de prestigieux prix littéraires dans son pays.

L’Asiathèque publie également un texte classique : « l’Histoire de Dame Pak » (auteur(e) iconnu(e)), ou le roman d’aventure féministe dans la Corée du XVIIe siècle. Ecrit en « bangeul », l’écriture coréenne créée au XVIe siècle, puis écartée par les clercs, essentiellement utilisée par les femmes jusqu’à sa réhabilitation au XIXe siècle. L’histoire met en en scène le fils d’un grand lettré, le kong Li, et la fille d’un ermite du nom de Pak, lettré connu pour sa connaissance du Tao. L’ermite fait part au Kong du souhait de voir conclure un mariage entre leurs enfants. Mais le soir des noces, le jeune époux, effaré par la terrible laideur de sa femme, s’enfuit épouvanté… Restée seule, Dame Park consacre sa vie à l’étude de grands textes. Dame Park va alors se métamorphoser en une femme d’une beauté exceptionnelle.

Enfin, l’Asiathèque publie « Nuages mouvants », de Hsieh Hai-meng, le scénario original tiré du récit historique, « Nuages mouvants » (de Pei Xing, IXe siècle), qui a inspiré le film « Assassin », de Hou Hsiao-hsien (HHH), prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, actuellement à l’affiche.

« Halabeoji », de Martine Prost, 50 p, 8 euros
« L’Art de la controverse », de Park Hyoung-su, traduit du coréen par François Blocquaux et Lee Ki-jung, 161 p, 16 euros.
« Le Phare », de Lim Chul-woo, traduit du coréen par François  Blocquaux et Lee Ki-jung, 200 p, 22 euros.
Publiés par l’Asiathèque littérature


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