KIM Young-ha : « Ce qui doit arriver arrive »
- Écrit par : Félix Brun
Par Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ Naître dans les toilettes de la gare de Séoul, abandonné par une génitrice fantôme, recueilli par une mère nourricière qui sombre vite dans la déchéance, c’est le départ dans la vie de Jei. Quant à son ami d’enfance Dong-Kyu, il va tout simplement décider de ne pas parler. « En effet quel avantage y a-t-il à parler ? […] Mon silence ne gênant pas du tout mes camarades. J’avais appris la langue des signes. La première fois que je les avais vu communiquer ainsi, les mouvements rapides et précis de leurs mains m’avaient fasciné. Ils me semblaient fabriquer à toute vitesse d’invisibles oiseaux qu’ils lançaient dans l’air. »
Les deux jeunes garçons vont grandir au gré des fugues, des jeux sexuels et violents, de la précarité et de la répression d’une société coréenne rugueuse et intransigeante. Jei possède un don : celui de percevoir la détresse et le tourment des hommes, des animaux et des objets : "Le matin, quand je vois passer devant moi les gens qui partent travailler, je ressens leur souffrance et ça m’oppresse. A cause de tout ce qu’ils supportent, mon cœur est prêt d’éclater."Jei va mener une démarche mystique et mythique à travers le culte de la moto, se jouant des pouvoirs publics, héros révolté, apôtre ou martyr d’une jeunesse en mal de sa société. « Mais c’est Dieu qui est comme ça. C’est un sadique par dissymétrie. Il nous a donné le désir sexuel qui recommence sans fin, mais pas le moyen de le satisfaire aisément, il nous donne la mort, sans possibilité d’y échapper. Il nous laisse vivre, sans nous dire pourquoi on est nés. »
L’écriture est raffinée et subtile ; KIM Young-ha emporte le lecteur dans une fiction singulière, un conte fataliste qui met en scène une jeunesse brimée, privée de liberté, en mal de reconnaissance et de bonheurs simples. Un beau roman qui ne laisse pas indifférent.
J’entends ta voix
Auteur : KIM Young-ha
Traduction : traduit du coréen par Kim Young-sook et Arnaud Le Brusq
Edition : Philippe Picquier