Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Ne redoutant pas les superlatifs, le grand quotidien brésilien « O Globo Â» évoque « l’aura de femme libre et, bien sûr, de très grand écrivain Â». Auteur de « Pourquoi ce monde, Clarice Lispector, une biographie Â» (2012), le traducteur américain Benjamin Moser, lui, écrit : « Sa littérature est un art qui nous fait désirer connaître la femme ; elle est une femme qui nous fait désirer connaître son art Â». Il a grandement contribué à la publication de « Nouvelles. Edition complète Â», un livre (indispensable) dans lequel sont réunies quatre-vingt-cinq nouvelles, dont dix inédites, de la Brésilienne Clarice Lispector (1920- 1977), rédigées des premières années 1940 jusqu’à sa mort. « Le présent ouvrage offre une vision des deux à la fois : un portrait inoubliable, dans et par son art, de cette grande figure, dans toute sa tragique majesté Â». L’an passé, nous avions succombé au charme des magnifiques « Lettres près du cÅ“ur Â»- la correspondance de Clarice Lispector et Fernando Sabino, mais surtout l’objet de la « claricelispectormania Â» qui s’est abattue sur le Brésil mais pas seulement demeurait, à ce jour, les romans de cette femme dont le patronyme trouverait racine en Ukraine et signifierait « le lys dans les poumons Â». Là, avec ce livre de 480 pages, comme le précise Benjamin Moser, « Clarice Lispector révèle, avant tout, l’écrivain qu’elle est. Des promesses de l’adolescence, en passant par l’assurance de la maturité, à la désagrégation d’une artiste tandis qu’elle approche de la mort Â». 

En ouverture de « Nouvelles Â», « Le triomphe Â»- un texte publié à l’âge de 19 ans. En fermeture, « Un jour de moins Â»- une nouvelle reconstituée à base des fragments découverts après la mort de l’auteure. Entre tous ces mots et au fil des pages, on suit pas à pas l’évolution d’une artiste qui publia son premier roman- « Près du cÅ“ur sauvage Â», à 23 ans. Classées chronologiquement et par thématiques, ces nouvelles sont toutes placées sous le signe de l’expérimentation. L’auteure brésilienne n’a conçu sa vie qu’à coups d’expériences- stylistiques, pour la littérature.
Et Clarice Lispector fut aussi une femme de combat(s). Oui, elle fut une pratiquante ardente et convaincue du féminisme (un mot tellement galvaudé aujourd’hui qu’il en a perdu sa force et sa beauté). Très tôt, comme le prouvent ses premiers textes dont « Jimmy et moi Â», elle ironise sur le machisme de la société brésilienne. Dix ans plus tard, quand elle aura épousé un ambassadeur, dans « La plus petite femme du monde Â», à travers l’histoire d’une Pygmée africaine, elle raconte la mise sous silence des femmes. En fin de livre, on dévore des textes crus sur la maternité ou encore la sexualité de la vieillesse. Comme l’a relevé un autre quotidien brésilien- « Gazeta do povo Â», avec « Nouvelles Â» on assiste à « l’essor d’une personnalité Â», à « l’éclosion d’un grand génie de la littérature moderne Â». Et, encore et encore, on voit Ana, l’héroïne de la nouvelle titrée « Amour Â» : « Un peu lasse, avec ses achats qui déformaient son nouveau sac tricoté, Ana monta dans le tram. Elle posa le paquet sur ses genoux et le tram se mit en marche. Alors elle se carra sur la banquette pour être à l’aise, avec un soupir mi-satisfait Â». De Clarice Lispector follement belle et glamour et de ses écrits, un de ses amis disait : « Ce n’est pas de la littérature, c’est de la sorcellerie Â». Alors, oui, sans hésitation, sans modération, laissons-nous ensorceler par toutes ces « Nouvelles Â» !

Nouvelles. Edition complète
Auteur : Clarice Lispector
Editions : des femmes- Antoinette Fouque
Parution : 19 octobre 2017
Prix : 23 €