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Nina Métayer, meilleure pâtissière du monde 2023 : « S’inscrire dans le futur tout en gardant la tradition »

  • Écrit par : Serge Bressan

métayerPar Serge Bressan - Lagrandeparade.com / Un sourire éclatant, la voix joyeuse. Un aveu : « Je ne me suis pas rendu compte. J’étais loin d’imaginer… c’est aussi la reconnaissance d’un parcours ». Ce jour-là, Nina Métayer, 35 ans, native de La Rochelle (Charente-Maritime), anime une master class dans le onzième arrondissement de Paris. La semaine précédente, elle était à New York, invitée à un atelier de création organisé par un célèbre horloger suisse.

Et le 25 octobre dernier, elle était à Munich- l’IUBC (International Union of Bakers and Confectioners) lui attribuait le titre de « meilleur pâtissier du monde 2023 ». Rien moins qu’un événement dans ce monde de la pâtisserie si longtemps empreint d’un machisme absolument pas bon enfant : pour la première fois depuis cent ans, une femme a reçu la plus haute distinction existant dans son domaine. En quelque sorte, le Nobel de la pâtisserie. Un prix qui l’éloigne des foutriquets et autres faiseurs, un prix qui la rapproche de maîtres aussi prestigieux que Philippe Conticini, Pierre Hermé ou encore Christophe Michalak. Bienvenue dans le monde des plaisirs du goût entre pavlova, fleur chocolat, millefeuilles ou encore brownies. Rencontre avec une pâtissière d’excellence, une jeune femme de son temps.

Le lendemain matin de ce 25 octobre dernier après avoir été récompensée « meilleure pâtissière du monde », que ressentiez-vous ?
En allant à Munich, je ne m’attendais à rien. J’avais été sélectionnée pour représenter l’Europe, mais vraiment, je n’attendais rien de particulier. Et puis, le lendemain, je me suis dit que cette récompense, c’était pour mon parcours mais aussi pour un travail d’équipe. La pâtisserie, on l’oublie trop souvent, c’est un travail d’équipe, chacun y a une fonction bien précise. Et puis, c’est de l’artisanat, c’est un métier passion. Un métier qui prend tout, qui demande toujours plus.

Vous êtes-vous accordée un moment pour fêter ce titre ?
Si la réception à Munich restera gravée dans ma tête, je n’ai pas fait de break. D’autant que le titre mondial nous a apporté très vite des commandes supplémentaires. Alors, je suis retournée à mon laboratoire. Pour créer… et rater aussi, parce qu’il n’y a pas de création sans ratage !

Vous êtes la première femme à être récompensée « meilleur pâtissier du monde ». Vous l’avez vécu comme un événement ?
C’est vrai qu’il n’y a pas si longtemps, il n’y avait pas beaucoup de femmes dans la pâtisserie. Quand j’ai commencé mes études pour mon CAP (certificat d’aptitude professionnelle), nous étions trois filles à l’école, c’était un milieu très masculin. Ça a bien changé- tant mieux !

Y aurait-il une pâtisserie féminine ?
Je ne crois pas… ou alors, c’est plutôt dans le comportement, dans le management de l’équipe. Une femme est plus dans l’empathie… Et très franchement, je ne fais pas de révolution en pâtisserie en tant que femme !

Votre définition de la pâtisserie ?

Deux mots : partage, générosité. Faire plaisir et ne pas lésiner sur les proportions.

Vous vous revendiquez artisan, tout en étant à la tête d’une entreprise d’une quarantaine de personnes…
Oui, je ne suis pas dans l’industriel, je pratique une pâtisserie artisanale. Ce qui ne m’empêche pas de recourir à la technologie actuelle : l’informatique, l’Internet, l’imprimante 3D… S’inscrire dans le futur tout en gardant la tradition…

métayerVous avez été élève de la très prestigieuse école Ferrandi, vous avez travaillé au Mexique et en Australie, dans les cuisines des chefs étoilés Yannick Alleno et Jean-François Piège… Mais à quel moment avez-vous ressenti, pour la première fois, l’appel irrépressible de la pâtisserie ?
J’avais 7, 8 ans… j’étais avec ma grand-mère, et on préparait la pâte pour les gâteaux. J’étais transportée par l’odeur de la pâte. Par son odeur si particulière bien plus que par le gâteau. Ça sentait le beurre rance, bien gras et on étalait la galette charentaise… J’adorais…

Aujourd’hui, quels sont les produits que vous aimez particulièrement travailler ?
La fleur de sel, la noisette et le citron vert que j’ai découvert lors de mon séjour au Mexique. Et quand c’est la saison, j’apprécie aussi la rhubarbe et la fleur de sureau…

On évoque, ces temps-ci, également la pâtisserie végan…
Ça ne relève pas de mes compétences, c’est un autre métier. Ce ne sont pas mes connaissances ni mon identité…

Quand nous regardons vos gâteaux, nous n’osons les manger tellement ils sont de véritables œuvres d’art… Vous êtes la Yves Saint Laurent de la pâtisserie !
C’est beaucoup d’honneurs ! En fait, c’est avant tout beaucoup de travail. C’est aussi dans la transmission, c’est le plus important… Et beaucoup d’autres personnes font des choses super. Chacun a son identité, il y a vraiment de la place pour tout le monde sans oublier que les petits détails font les grandes choses !

Contrairement à la plupart de vos consœurs et confrères pâtissiers, vous n’avez pas de boutique…
On me dit souvent ça… Vous vous trompez, j’ai une boutique, elle s’appelle delicatisserie.com, et elle est sur Internet. On peut commander, c’est une vraie boutique mais sur le Net ! J’ai également deux corners, un au Printemps-Haussmann à Paris, un autre aux Halles d’Issy-les-Moulineaux… C’est une bonne façon de rationaliser les dépenses par rapport aux commandes, et d’éviter trop de pertes. Je suis pâtissière mais aussi cheffe d’entreprise !

Vous créez sans cesse de nouveaux gâteaux- ainsi, récemment, vous avez présenté votre bûche de Noël. Y a-t-il une pâtisserie qui vous résiste ou pour laquelle vous n’avez pas de plaisir à réaliser ?
J’ai du mal avec les macarons ! Peut-être parce que c’est trop répétitif… et aussi parce que je n’aime rien tant que la pâtisserie qui nécessite du sens et des émotions !

La Délicate Pâtisserie
Auteure : Nina Métayer
Editions : La Martinière
Prix : 35 €

Extrait

« Il est important de décomposer le processus de création, de se libérer pour oser, que l’on soit professionnel ou amateur. Quand j’initie une création, je ne sais pas si j’arriverai à atteindre mon objectif. Débute alors une période de tests, souvent longue, avec généralement de nombreux échecs. Parfois, il faut renoncer à une idée et rebondir. Contourner un obstacle m’oblige à être encore plus créative. Pour être plus proche de mes convictions en matière de qualité et d’origine des produits, je peux par exemple changer la composition de certaines des recettes classiques telles qu’on les apprend dans les écoles depuis des générations. Pour créer le feuilletage de ma galette des Rois Renaissance en utilisant des farines plus brutes, j’ai vraiment beaucoup tâtonné ! J’ai persévéré, j’ai bataillé avec la matière et mis au point une nouvelle texture, toute en finesse, délicatement friable en bouche et qui, en plus, se tient et se conserve mieux »

Crédit obligatoire: Photo Térèze WYSOCKI


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