Une semaine de lecture avec Alaa El Aswany, Philippe Labro et Fabienne Pascaud
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Trois suggestions de lecture pour cette semaine. D’abord, on commence avec l’Egyptien Alaa El Eswany pour un roman polyphonique, tout aussi nostalgique que corrosif. On enchaîne avec l’« éternel jeune homme » de 88 ans, Philippe Labro, auteur d’une « novella » ramassée en deux personnages, deux temps, deux lieux. On boucle avec Fabienne Pascaud pour un portrait passionnant du grand Bartabas, le créateur du Théâtre équestre Zingaro. Bonne lecture !
ALAA EL ASWANY : « Au soir d’Alexandrie »
Pour décor, en ouverture : le restaurant Artinos à Alexandrie. S’y retrouvent, pour y deviser le soir après le service, Lyda la propriétaire qui a hérité l’établissement de son père, l’avocat Abbas el-Qosi et son épouse Noha Shawarbi, le peintre Anas el-Saïrafi, Tony Kazzan et la libraire française de la rue Fouad, Chantal Lemaître. Début de l’histoire : le 10 septembre 1964, l’Egypte ressent les premiers signes d’autoritarisme lancés par le gouvernement de Gamal Abdel Nasser. C’est « Au soir d’Alexandrie », le nouveau roman du grand Alaa El Aswany, auteur d’un texte impeccable, « L’Immeuble Yacoubian » (2002). Au restaurant Artinos, la compagnie forme un cercle aussi joyeux qu’alcoolisé et ne craint pas de cibler le gouvernement en place. Mais bientôt, l’avocat, le peintre, la libraire et les autres vont être confronté.e.s à ce qui leur paraissait tellement impensable. Peu à peu, ils et elles sont font piéger par les services secrets. Roman polyphonique, nostalgique et corrosif, « Au soir d’Alexandrie » raconte le foisonnement social et culturel de la société égyptienne dans les années 1950-1960, sans rien occulter du régime d’alors dictatorial. Précision : depuis quelques années, Alaa El Aswany vit aux Etats-Unis, interdit d’écrire et de publier dans son pays natal…
« Au soir d’Alexandrie »
Auteur : Alaa El Aswany
Traduction : Gilles Gauthier
Editions : Actes Sud
384 pages
Prix : 23,50 €
PHILIPPE LABRO : « Deux gimlets sur la 5e Avenue »
Ça a été dit mille fois, c’est dit une mille et unième fois : cet homme sait tout faire. Jeune homme de 88 ans, Philippe Labro est journaliste (presse écrite et télé), réalisateur ciné, auteur de chansons, patron de radio… et aussi écrivain- ce qu’il nous rappelle une fois encore avec le très charmant « Deux gimlets sur la 5e Avenue ». Un roman, plus précisément une « novella » (122 pages) entre deux personnages (Lucas et Elisabeth), deux villes (Paris et New York), deux époques (1961 et 2001). Jeunes, Lucas et Elisabeth se sont aimés, elle l’a abandonné au pied de la tour Eiffel. Ce fut un rendez-vous manqué. Quarante ans plus tard, le plus grand, le plus beau des hasards les fait se retrouver sur la 5e Avenue à New York. « Executive woman », Elisabeth s’est « américanisée » tandis que Lucas tente de se trouver, dit : « C’était mieux avant », tentera de trouver une place dans le cinéma US avant de présenter son one-man-show, « le Français qui n’a jamais réussi à New York ». Pour leurs retrouvailles, les deux se retrouvent dans le bar d’un hôtel et y consomment des « gimlets », cocktail de gin et de citron vert. Délicat et élégant, Philippe Labro ne manque pas, au fil des pages, de glisser son « Amérique à lui », celle des années 1960 et celle du 20ème siècle naissant.
« Deux gimlets sur la 5e Avenue »
Auteur : Philippe Labro
Editions : Gallimard
122 pages
Prix : 17 €
FABIENNE PASCAUD : « Bartabas »
A peine sorti de l’adolescence, il fendait la foule des rues en Avignon et hurlait sur son cheval. Cinquante ans plus tard, le corps sec et le cheveu grisonnant, il est resté le même et infiniment autre, à en croire Fabienne Pascaud, l’auteure de « Bartabas »- sous-titre : « Zingaro, un théâtre pour les chevaux ». Un livre impeccable qui paraît alors qu’on fêtait récemment les quarante ans de sa création, de son œuvre : le Théâtre Zingaro, capitale mondiale des chorégraphies équines. Depuis quarante ans, l’auteure (ancienne directrice de l’hebdomadaire « Télérama ») a assisté à tous les spectacles de Bartabas, présenté en son théâtre d’Aubervilliers, dans l’immédiate banlieue nord-parisienne. Elle a de nombreuses fois interrogé le maître des lieux, le créateur d’un « langage amoureux murmuré entre ce visionnaire et ses chevaux ». Avec Bartabas, rappelle Fabienne Pascaud, on est loin, très loin de l’excellence de l’Ecole espagnole de Vienne ou du Cadre noir de Saumur. Chez Bartabas, autodidacte nourri par Artaud, Bausch, Mnouchkine, Pasolini ou encore le Caravage et immense admirateur du « Quichotte » de Cervantes, l’homme est au service du cheval- et non l’inverse. Ce qui donne, depuis bientôt un demi-siècle, un théâtre « par et pour les chevaux ».
« Bartabas »
Auteure : Fabienne Pascaud
Editions : Actes Sud
192 pages
Prix : 23 €.