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Scènes de lecture, de Saint-Augustin à Proust : Folio Classique lave les yeux et nettoie les neurones

  • Écrit par : Guillaume Chérel

Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ En ces temps de profusion éditoriale (il faut dire ce qui est), où des livres sont produits, « marketés », formatés pour séduire des lecteurs (et « trices », surtout, car ce sont des femmes qui lisent en majorité des romans) pour qui la lecture n'est qu'un loisir de plus, l'initiative d'Aude Volpihac (Scène de lectures : de Saint-Augustin à Proust), est à prendre comme un acte de résistance culturelle. Nous faisons allusion ici aux « feel-good books », textes de développement personnel, où l'on enfonce des portes ouvertes, et autres thrillers sanguinolents (à 20 euros en moyenne, les 200 pages mal écrites) qui sont en tête de gondole, alors que les éditions Folio Classique (Poche Gallimard) publient discrètement des perles d'intelligence et de talent pour le prix d'un paquet de cigarettes (9 €).     
Scènes de lecture est une anthologie qui regroupe 100 textes illustrant les différentes manières de lire, c'est-à-dire les rapports à l'objet-livre, à l'activité de lecture (concentration, solitude...) et au corps du lecteur. En effet, le plaisir de lire n'est pas seulement intellectuel mais aussi sensuel. Lecture et érotisme : deux activités qui mettent en jeu le corps et l'imagination. À partir du modèle central du lecteur absorbé dans son livre, se décline un large éventail de postures de lecture qui vont de la rêverie à la réflexion intellectuelle en passant par la méditation, qui peut s'exacerber en une forme philosophique ou spirituelle : « Il y a plus de mystère à lire qu'on ne pense », assure une jeune femme dans L'Astrée, d'Honoré d'Urfé, chef-d'œuvre du roman pastoral. Qui lit encore Honoré d'Urfé ? Qui connait cet auteur oublié ? A part si on a étudié la littérature comparée à la Sorbonne... Où l'on découvre aussi que la lecture n'a pas toujours été une pratique solitaire : « Bien avant de relever de l'ordre du privé et de l'intime, la lecture s'est longtemps pratiquée à voix haute, de manière collective, et a été partagée dans les salons, les ruelles, les jardins, constituant un élément majeur de la sociabilité », nous rappelle l'enseignante-chercheuse à l'université Catholique de Lyon.
 
En effet, la lecture est une rencontre entre un lecteur, un texte et un auteur. Et entre plusieurs lecteurs qui confrontent leurs interprétations. La frontière entre l'écrit et l'oral s'estompe : la lecture vocalise le texte écrit et le prolonge par la conversation, voire la relation amoureuse. Les scènes de lecture ont aussi permis de légitimer un genre littéraire nouveau face à ses détracteurs : le roman. On passe progressivement d'une lecture sacrée à une lecture profane, et d'une lecture édifiante à une lecture dangereuse. Contre toute attente, ces deux pratiques se ressemblent par bien des aspects, car le savant comme la lectrice de romans sont victimes de leur curiosité. La lecture peut être bénéfique ou maléfique, en fonction de l'usage qu'on fait des livres. Cette anthologie nous rappelle que les scènes de lecture sont partout présentes dans la littérature, comme une mise en abyme du lecteur. De Don Quichotte à Madame Bovary, la lecture, on le sait, peut rendre fou. Au sommaire : l'anthologie mêle textes très connus et textes rares, français et étrangers. C'est une traversée de la littérature, sous l'angle d'une pratique qui aujourd'hui subit des mutations profondes. Un témoignage d'une activité, la lecture, qui traverse les siècles et questionne notre rapport à la tradition et à l'altérité. Et surtout au talent d'écrire de classiques, des maîtres es-littérature.
 
Scènes de lecture, de Saint-Augustin à Proust, textes choisis et présentés par Aude Volpihac
Editions : Folio classique
530 pages
Prix : 9 €
Parution : 7 novembre 2019


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