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« L’ami de la famille » de Denis Podalydès : un phare, une inspiration…

  • Écrit par : Serge Bressan

podalydesPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / De la « camera obscura Â» (également, le nom de la nouvelle et prometteuse collection chez Julliard), surgit une photo couleurs. On y voit un jeune homme, chapeau de paille sur la tête, T-shirt saumon et short bleu marine, il prend la pose dans un jardin.

Nous sommes dans les années 1980 naissantes, le jeune homme s’appelle Denis Podalydès, le jardin à Lasseube (Pyrénées-Atlantiques) est la propriété de Pierre Bourdieu (1930-2002), sociologue et théoricien des déterminismes de classe. Devenu comédien, le jeune homme est sociétaire de la Comédie-Française depuis 2000 ; tant au théâtre qu’au cinéma, il joue et met en scène- ces temps-ci, il figure à l’affiche du nouveau film de Costa Gavras, « Le Dernier Souffle Â». Et on le trouve aussi en libraires avec son huitième livre, « L’ami de la famille Â»- parce que Denis Podalydès, suractif, écrit aussi, et plutôt délicieusement bien !
Donc, une photo. C’est elle qui a déclenché souvenirs et écriture. On ouvre le livre, deux citations- l’une extraite de « L’Education sentimentale Â» de Gustave Flaubert, l’autre de « Questions de sociologie Â» de Pierre Bourdieu, on lit les premières lignes qui évoquent la première fois : « Il n’y a pas eu de première fois. J’ai dû le croiser alors qu’il revenait du Collège de France, ou rentrait de voyage, sortait de son bureau ou s’en allait promptement, il faisait tout promptement. Peut-être était-ce un autre jour ? C’était toujours en coup de vent. Emmanuel a dû faire des présentations rapides.
-Salut !
J’entends le ton sympathique et légèrement distrait de l’apostrophe, je vois le sourire engageant et déjà ailleurs, la disparition de l’homme au travail s’enfermant dans son bureau ou passant la porte Â»â€¦
En dix-sept chapitres, Denis Podalydès déroule sa partition sur le thème « Souvenirs de Pierre Bourdieu Â» et glisse que « ce temps où je me sentais comme adopté par les Bourdieu était un temps d’incertitudes Â». L’histoire a commencé par une amitié à l’adolescence entre le futur comédien et Emmanuel, l’un des trois fils du sociologue. Fin technicien de l’écriture mémorielle, Podalydès pratique l’art des miroirs. Autoportrait et portrait du père de l’ami- un père qui, avec les mots du comédien, apparaît une autre figure de l’intellectuel, sommité du Collège de France. Souvenirs flous, confesse Podalydès : « Est-ce en fin de ce premier après-midi ou une autre fois que j’ai rencontré Pierre Bourdieu ? En revisitant ces années, de 83 aux années quatre-vingt-dix, à peu près, où j’ai partagé l’existence de la famille Bourdieu, c’est une étrange nappe de souvenir égal, un seul souvenir long d’heureuse amitié et d’insouciance, comme si un enchantement enveloppait et me faisait idéaliser ce temps chez eux, n’en laissant poindre aucune ombre Â», ou encore ces mots dans un entretien : « On y voit le rapport de Pierre à ses enfants ainsi qu’à moi, et comment je me suis déterminé en fonction de ce que j’ai pu aussi trouver dans ses Å“uvres Â». Question : faut-il faire confiance aux souvenirs, à la mémoire ?
Grand connaisseur de Molière, Shakespeare et tant d’autres géants de la littérature mondiale, Denis Podalydès confiait dans un récent entretien : « Je me suis dit : ‘’J’ai tout idéalisé’’. Dès que je passais le pas de la porte des Bourdieu, je me sentais très bien, accueilli et choyé. J’ai réalisé a posteriori que cette impression venait aussi du fait que, lorsque je quittais ma maison de Versailles, l’atmosphère y était lourde. Mes parents n’en finissaient pas de se séparer et l’un de mes frères, bientôt, allait entrer en dépression et disparaître en 1997. De 1984 à 1993, à peu près, j’allais chez les Bourdieu très souvent, je passais des vacances avec eux, je fuyais ma famille et m’en faisais une autre Â». Au fil des pages, on comprend combien le sociologue fut un phare, une inspiration pour l’étudiant, le jeune homme, le comédien en devenir… sans négliger l’aveu de l’auteur : « Il faut que je me méfie parce que j’agrandis tout, malgré moi, je produis du roman… Â»

L’ami de la famille
Auteur : Denis Podalydès
Editions : Julliard
Parution : 6 février 2025
Prix : 21 €

Extrait

« Comment évoquer un homme que les souvenirs, les récits anecdotiques- les souvenirs ne sont-ils pas anecdotiques ?- auraient indisposé ou fâché ?
A mes yeux, Pierre était avant tout le père de mon ami d’école, auquel j’attribuais, à force de le voir dans sa fonction familiale, une autorité naturelle, protectrice, plutôt qu’intellectuelle ou philosophique. Je le lisais assez peu, assez mal, ayant calé sur ‘’Le Sens pratique’’, dont j’avais fait l’achat après avoir connu Emmanuel… Â»

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