Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Bientôt Noël puis le Jour de l'An… Une idée pour des cadeaux ? Des beaux livres, bien sûr ! Lagrandeparade.com en a sélectionné neuf. Un deuxième menu riche et varié avec des beaux livres, synonymes de belles lectures et de bonnes fêtes !

L’INDISPENSABLE

« Mystère Monk » de Franck Médioni
Longtemps, on nous a répété : Thelonious Monk (1917- 1982) est d’un autre monde. Fallait-il croire une telle assertion ? Maître d’œuvre d’un formidable livre parfait cadeau : « Mystère Monk », le grand expert de la note bleue Franck Médioni explique, lui, que « Monk est ici et ailleurs, il nous est familier et lointain. Il pense différemment, il joue autrement. C’est l’un des pianistes les plus célèbres et les plus controversés de l’histoire du jazz ». La version assure qu’après une tournée avec une évangéliste à 17 ans, il fonde en 1937 son quartet et joue dans des bars et des petits clubs à New York. Pour « motifs psychiatriques », l’armée ne veut pas de lui, il se retrouve pianiste d’un club de Harlem où a commencé la « révolution bebop » et où Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Kenny Clarke, Max Roach ou encore Bud Powell arrivaient au petit matin pour un « after »… Très vite, le petit monde jazz évoque le jeu de Monk, tout en inventions harmoniques. A l’époque, il compose, entre autres morceaux fameux, « 52nd Street Theme », « I Mean You » et « ‘Round Midnight »). Il lui faudra attendre 1944 pour enregistrer une première. On le retrouvera ensuite lors de sessions avec Coltrane, avec Gillespie et son big band ou encore Andy Kirk au New Cotton Club. Il y aura ensuite les années Blue Note, Prestige, Riverside et Columbia. En 1975, il joue son dernier concert- fatigué et malade, il ne touchera plus un piano durant les six dernières années de sa vie. Dans « Mystère Monk », livre indispensable, Franck Médioni a réuni plus de deux cents contributions de musiciens, de musicologues, de photographes ou encore de réalisateurs. Tous sont unanimes : Thelonious rimera toujours avec genious !

Mystère Monk
Auteur : Franck Médioni
Editions : Seghers

ANTI-HÉROS

« La carte et le territoire » de Michel Houellebecq et Louis Paillard
Soit un prix Goncourt- en l’occurrence, celui de 2010 : « La carte et le territoire » de Michel Houellebecq. Pour être dans l’air du temps, douze ans plus tard, on le reprend et on en fait un roman graphique. Le romancier a travaillé, nous assure-t-on, « main dans la main » avec Louis Paillard, architecte et urbaniste pour le dessin. Hormis quelques coupes nécessaires pour la version graphique, on a là un recueil au plus près de la version originelle. Jed Martin, l’anti-héros houellebecquien, est toujours là, flottant entre art, argent, amour, rapport au père, mort, travail, France paradis touristique… Du grand Houellebecq, avant qu’il ne plonge au fond de la piscine. Une entreprise intéressante, en format « à l’italienne » avec des planches colorées ou en noir et blanc.

La carte et le territoire
Auteurs : Michel Houellebecq et Louis Paillard
Editions : Flammarion

ARCHIVES

« La grande histoire du Petit Nicolas » de Goscinny et Sempé
Dans les premières pages de cet éblouissant livre-album, on lit des mots de Sempé : « Le Petit Nicolas, c’est d’abord une histoire d’amitié », et ceux de Goscinny : « Les histoires du Petit Nicolas sont nées des souvenirs que Sempé me racontait et de mes propres souvenirs ». Et c’est ainsi qu’Aymar du Chatenet, écrivain et éditeur, s’est plongé dans « les archives inédites de Goscinny et Sempé », les deux créateurs d’un petit personnage aujourd’hui sexagénaire et compagnon de tant et tant de plusieurs générations. Au fil de cette « Grande histoire… », de nombreuses questions sont posées- Goscinny et Sempé étaient-ils des petits Nicolas ? Quelle fut leur enfance ? Pourquoi ont-ils créé le Petit Nicolas ? Pourquoi est-il indémodable ? Un livre pour ne rien ignorer du Petit Nicolas !

La grande histoire du Petit Nicolas
Auteurs : Goscinny et Sempé
Editions : IMAV

BLUES

« Peintures » de Loustal
Un style unique. Comme une marque de fabrique. Après des études en architecture, il a illustré un magazine rock et folk, « commis » des albums de bandes dessinées, participé à des livres pour enfants, travaillé pour des campagnes publicitaires ou encore illustré des textes de Georges Simenon et Jerome Charyn. Et là, en cette fin 2022, Jacques de Loustal, dit tout simplement Loustal, se glisse jusqu’à nous avec « Peintures ». Commentées par François Landon, Jean-Luc Coatalem et Sébastien Lapaque, ses œuvres peintes par phases et à-coups sont régulièrement exposées dans les galeries françaises et européennes. L’inspiration est diverse, du côté du fauvisme et David Hockney, pour une œuvre emplie de couleurs, bercée par la mélancolie cadencée d’un blues américain…

Peintures
Auteur : Loustal
Editions : Les Cahiers Dessinés

CROQUIS

« Souvenirs des montagnes au loin » d’Orhan Pamuk
Prix Nobel de littérature 2006, Orhan Pamuk confie qu’entre 7 et 22 ans, il s’imaginait peintre. « A 22 ans, le peintre en moi est mort et j’ai commencé d’écrire des romans », écrit-il. En 2008, il a 56 ans, entre dans une boutique et en ressort avec deux grands sacs remplis de crayons et de pinceaux. Une évidence : « Le peintre en moi n’était pas mort ». La preuve avec cet impeccable recueil de dessins, aquarelles et mots : « Souvenirs des montagnes au loin ». L’écrivain turc, bien peu apprécié par le régime politique de son pays, écrit et peint chaque jour, il remplit des carnets dont, parmi plusieurs milliers de pages, sont tirés les œuvres et les mots présents dans ce recueil. Avec Orhan Pamuk, c’est foisonnant, lyrique, émouvant en mots, brillant et lumineux en couleurs…

Souvenirs des montagnes au loin
Auteur : Orhan Pamuk
Editions : Gallimard

DANDY

« Les animaux dénaturés » d’Hélène Bruller et Joseph Falzon
Un texte paru en 1952, signé Vercors (pseudonyme littéraire de l’illustrateur Jean Bruller) : « Les Animaux dénaturés ». Soixante-dix ans plus tard, la petite-fille de l’auteur, Hélène Bruller (dessinatrice de, entre autres, « Je veux le prince charmant » et « Le Guide du zizi sexuel » avec Zep), reprend le texte avec la complicité de Joseph Falzon, dessinateur belge au trait humoristique et empli d’autodérision. Résultat, un album pétillant pour une comédie humaniste. On se balade en 1947 avec Doug, un journaliste godiche qui aime discrètement Frances- la réciproque est vraie. Alors, anti-héros à l’allure de dandy (référence à John Cleese, le Monty Python), pour impressionner la belle, il se retrouve en Nouvelle-Guinée. Face à lui, une espèce humaine inconnue… Délicieux.

Les Animaux dénaturés
Auteurs : Hélène Bruller et Joseph Falzon
Editions : Albin Michel

DÉRIVE

« Inland Voyage » de Quentin Pruvost
Proposition enchanteresse : se glisser dans les pas de l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson (1850- 1894). Entre autres, il a voyagé en canoë sur la Sambre et l’Oise… Excellent prétexte, donc, à un beau livre, « Inland Voyage » de Quentin Pruvost- photographe basé dans le Nord, entre Lille et Valenciennes, et qui tente de répondre en images à une question métaphysique : « Comment habiter poétiquement le monde ? » Au fil des premières pages, on glisse doucement sur l’eau, on flâne dans les forêts puis, toujours dans les pas de Stevenson, ce sont des rencontres avec des personnages étonnants. Vite, on est saisi par des illusions, des aventures possibles, des souvenirs aussi… Enfin, quand le périple touche à sa fin, c’est le temps du rêve, les moments de la dérive et du mystère…

Inland Voyage
Auteur : Quentin Pruvost
Editions : Light Motiv

MODE

« Gold » d’Yves Saint Laurent
Créateur de génie, Yves Saint Laurent murmurait en confidence : « Ça étincelle. Ça pétille. Coupe de champagne. Or des candélabres, or des lambris, or des décorations. La gloire ne se conçoit que dorée. Dorée à la feuille d’or ». Catalogue délicat d’une expo parisienne, « Gold » (sous-titre : « Les ors d’Yves Saint Laurent ») présente des pièces couture, bijoux et accessoires tous placés sous le signe de l’or- la couleur si présente dans les réalisations du couturier. Cet or qui lui rappelait les lumières d’Oran l’algérienne et Marrakech la marocaine. Dans cet ouvrage, du vêtement, des techniques (brocards, dentelles,…) et aussi des documents d’archives ou encore des témoignages. Un regret : l’ouvrage aurait mérité une impression sur un papier de meilleure qualité…

Gold
Auteur : Yves Saint Laurent
Editions : Gallimard

URBAIN

« Lady K, déesse de la lettre » de Claire Champenois
Surnommée « la déesse de la lettre », elle n’apprécie rien tant que troubler et bousculer le silence des murs. On la qualifie « writteuse » ; la quarantaine, elle est considérée comme l’une des personnalités essentielles du street art d’en France. Cela vaut bien, pour le moins, un bel album avec textes de Claire Champenois et photos- titre : « Lady K, déesse de la lettre ». La marque de fabrique de Lady K- que nombre de ses proches jugent belle et rebelle ? Dans ses œuvres, la permanence de la mode, de la lettre, de la phrase et des formules mathématiques. Son credo : « s’écarter d’une culture populaire pour parvenir à quelque chose de plus savant ». Une monographie impeccable pour une figure de l’art urbain contemporain. Réussite totale..

Lady K, déesse de la lettre
Auteure : Claire Champenois
Editions : Layeur