J'aurais voulu faire de la bande dessinée : une promenade spirituelle tout en portées et phylactères inspirés!
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Dans "J'aurais voulu faire de la bande dessinée", Philippe Dupuy s’interroge sur son travail d’auteur de bande-dessinée et son parcours d’artiste en convoquant ses souvenirs et en confrontant ses émotions à celles de deux musiciens : Dominique A et Stéphan Oliva.
D'abord, le pianiste de jazz et compositeur Stéphan Oliva qui, même s’il apprend dès son plus jeune âge le piano, décide à 11 ans qu’il sera dessinateur de bande dessinée. Celui-ci tâche d’apprendre les ficelles du métier grâce aux conseils de Jijé et Franquin religieusement étudiés dans un entretien publié…jusqu’à ce qu'un jour, à 18 ans, la musique se réimpose à New-York avec le Bill Evans Trio..."Retour à la musique elle-même! Je n'ai plus touché un crayon."
Ensuite, le musicien et chanteur Dominique A, que Philippe Dupuy a rencontré à Nantes en 2017. Ce premier, considéré comme l’un des fondateurs de la « nouvelle scène française » dans les années 90, explique les liens étroits qu’il entretient avec le neuvième art. L’une de ses chansons, « Lorsque nous vivions ensemble » a été composée à la lecture d’un manga de Kamimura du même nom. Depuis l’enfance et la lecture d’un Spirou, le musicien s’était toujours imaginé une carrière de dessinateur…et puis un jour la musique s’est imposée comme le meilleur vecteur pour lui pour exprimer ses émotions. "Pour moi, la musique c'est intuitif c'est Do It Yourself. La bande dessinée pour moi, c'est trop technique, alors il y a une forme d'inaccessibilité. Mais dans l'écriture des chansons, il y a quelque chose qui se rapproche du séquençage et de la structure elliptique de la bande dessinée.(...suite à la page 42!)
Voilà un ouvrage fantastiquement intelligent tant il manifeste en mots et en dessins toute la richesse et la nécessaire singularité de l’Art. Philippe Dupuy réussit à créer une sensation de familiarité plaisante dans ce dialogue établi avec les deux musiciens. D’une page à l’autre, on se promène avec curiosité et plaisir dans ces témoignages d’expériences et de ressentis, ces questionnements poétiques passionnants. On attrape ici et là une parole brillante que l’on a envie de garder pour soi, de noter sur un carnet ou de partager avec d’autres. On s'enthousiasme pour ces "cartes mentales" conçues au gré du propos, ce texte écrit à la main qui donne l'impression de lire un carnet de bord plutôt qu'un ouvrage édité.
Le travail graphique séduit grandement parce qu’il est atypique et empreint de sensibilité. Le gaufrier enchante par ses récurrentes digressions ; tantôt tracé de manière scolaire pour rendre hommage sans doute aux premières tentatives de jeunesse, tantôt explosant les cadres, déraillant des lignes pour laisser respirer la pensée. Tout évolue, se modifie, s’expérimente sans cesse…on assiste à une tentative d’expression littéraire dirigée par une seule consigne : la liberté. De nombreux passages ravissent tant ils retranscrivent la spontanéité et la fraîcheur du premier élan, la simplicité du geste de création et sa vérité.
Voilà assurément un travail de très très grande qualité !
[bt_quote style="default" width="0"]C’est phénoménal ce qu’une main sait faire. On ne peut pas nier qu’elle a des choses à dire. Alors on peut bien lui passer le relais.[/bt_quote]
J'aurais voulu faire de la bande dessinée
Editions : Futuropolis
Avec Dominique A et Stéphan Oliva
Première parution : 04/03/2020
215 x 290 mm
88 pages
Prix de vente : 19 €