Van Gogh, fragments d’une vie en peinture : le portrait en noir et blanc d'un héliotrope maudit
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Vincent Van Gogh écrivit 800 lettres à sa famille et amis dont 652 sont adressées à son frère cadet, Théo van Gogh, qui était marchand d’art. Toutes constituent un témoignage passionnant de la vie et de la pensée de l’artiste.
Danijel Zezelj, dessinateur croate, en a choisi quinze qui s’étalent sur les dix-sept années qui ont précédé sa mort et qui révèlent ses joies, ses douleurs, ses interrogations existentielles, ses heures sombres et mystiques….elles dressent un portrait en psyché troublante de cet artiste hollandais torturé à l’oeuvre naturaliste, inspirée par l’impressionnisme et le pointillisme.
Londres, Ramsgate, Zundert, Wasmes, Cuesmes, La Haye, Nuenen, Anvers, Paris, Arles, Saint-Rémy-de-Provence, Auvers-sur-Oise, de l’Angleterre aux Pays-Bas, de la Belgique à la France, l’on suit les expériences de Vincent qui sombre peu à peu dans l’isolement et la ferveur religieuse. De nombreux textes sont émouvants, troublants car il montre la fragilité et l’instabilité mentale de ce peintre hors-du commun. La plupart exprime l’acuité de son regard sur le monde et l’exigence de ses recherches et ambitions esthétiques.
Danijel Zezelj a donc choisi d’illustrer via des planches muettes quinze lettres. Ses dessins, uniquement en noir et blanc, ont une puissance ténébreuse et souvent dérangeante tant ils offrent une interprétation libre et brillante des ressentis de cet être habité par une folie latente. Dans la lettre écrite entre le 22 et le 24 juin 1880, par exemple, où Vincent explique à son frère que « plutôt que de céder au désespoir, j’ai pris le chemin de la mélancolie active, aussi longtemps que j’aurai de la force pour mener une activité ; en d’autres termes, j’ai préféré la mélancolie qui espère et aspire et se met en quête, à celle qui désespère et reste endeuillée et sanglante », il utilise une parabole avec un oiseau en cage pour formuler son mal-être et sa culpabilité de ne pas être heureux : cet oiseau« regarde le ciel au dehors, lourd de nuages de tempête, et ressent en lui-même monter une rébellion contre le destin. Je suis en cage, je suis en cage, donc il ne me manque rien bande d’imbéciles. Moi, j’ai tout ce qu’il me faut! Ah, par pitié, la liberté, être un oiseau comme les autres! ».
Danijel Zezelj répond à ce cri du coeur par d’immenses aplats de noir au centre desquels percent les rayons du soleil traversant une fenêtre ; dans ce cadre, un homme, baigné d’obscurité confinante, essaie de « s’envoler » mais retombe systématiquement, comme tiré vers le sol comme une fatalité.
On vous laisse découvrir la singularité et la pertinence de ce travail graphique de très belle facture.
Un livre qui offre non seulement la possibilité de plonger dans l’univers d’un des plus grands génies artistiques du XIXème siècle mais aussi s’avère une promenade visuelle sublime, pour qui aime embrasser la puissante beauté du noir et blanc.
[bt_quote style="default" width="0"] On ne peut pas toujours discerner ce qui confine, c e qui emmure, ce qui semble enterrer et pourtant on ressent la présence de je ne sais quels barreaux, de je ne sais quelles grilles - des murs autour de soi. Et la prison s’appelle parfois préjugés, incompréhension, ignorance fatale de ceci ou cela, manque de confiance, fausse honte.[/bt_quote]
Van Gogh, fragments d’une vie en peinture
Editions : Glénat
Auteur: Danijel Zezelj
Parution : 26.08.2020
Prix : 22€
Exposition Zezelj
Du 3 au 22 septembre 2020 - Galerie Glénat, 22 rue de la Picardie, Paris 3ème.