Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Imaginez un futur dans lequel faire pousser une tomate serait un crime, un monde dans lequel tous les vestiges du passé sont éradiqués, la société est hiérarchisée en trois classes sociales distinctes et l’on travaille à mettre en place un système de contrôle efficace de la pensée pour éviter toute possibilité de débordement et d’attentat. Anne Bréjinski travaille activement au service d’épuration ; tous les jours elle oeuvre à faire disparaître tous les objets qui remontent inopportunément à la surface et rappellent l’histoire terrifiante du passé ( on voit ainsi le tableau de La Joconde détruit à l’incinérateur et regardé comme un banal déchet de plus à éliminer…). Or, un jour, Anne trouve un sachet de graines et au lieu de les supprimer, elle décide de les faire pousser en secret…Découverte, elle est emmenée devant les tribunaux ; cet album narre son procès…
Si le scénario semble se construire, au départ, sur un détail insignifiant, il captive vite le lecteur par les questions existentielles qu’il soulève avec pertinence. Dans un monde où tout est régi par des multinationales et où la liberté individuelle se réduit comme peau de chagrin, quelle place l’humanité peut-elle encore prendre? Peut-on conserver son statut d’homme quand on n’est plus à la source de ses besoins? Quand l’on a recours sans cesse à des structures spécialisées pour engendrer un enfant ( après demande d’autorisation préalable!), pour se nourrir, pour obtenir sa ration d’eau?
Un récit glaçant porté par un personnage principal attachant. Les dessins expressifs de Régis Penet, le choix de cases où les aplats colorés comblent le vide d’un futur aseptisé, l’originalité des points de vue utilisés, créent une atmosphère kafkaïenne parfaite. A lire aussi pour se persuader de la chance de pouvoir encore cultiver son jardin!

La tomate
Editions: Glénat
Scénario : Anne-Laure Reboul
Scénario et dessin: Régis Penet
Hors collection
Pages: 96
Parution : 24 janvier 2018
Prix : 19,50€