Château en Suède : Adieu Tristesse, bonjour Plaisir(s)!
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Qu’il est bon d’entendre la langue si particulière et le sens de la formule de Françoise Sagan dans sa première pièce de théâtre. Tout le talent comique et l’esprit malicieux de l’autrice s’y retrouvent condensé dans un univers onirique où les grands espaces côtoient l’étroitesse du huit clos.
Dans le château familial des Falsen, perdu dans les contrées enneigées de Suède, Agathe et Hugo, deux frère et sœur chatelains attendent la venue de leur cousin Fréderic. Ils ont pour habitude de recevoir chaque année un membre éloigné de la famille, plaisir dont s’emparent Eléonore, femme d’Hugo, et Sébastien son frère. Un jeu malsain les amuse : jouer le chaud et le froid amoureux et vengeur avec ledit cousin, épris de la jolie Eléonore, au nez de son mari, et retenu prisonnier par les neiges qui tombent et le laisse « otage » de ce château pendant de longues semaines. Les occupations y sont peu nombreuses : on y travaille (un peu), on y lit ou on chasse (parfois), on s’y ennuie (souvent) alors une nouveauté au centre de l’attention est parfaite pour l’activité favorite qui s’y joue ; le marivaudage (toujours).
Mais Fréderic a-t-il conscience de la perversité de cette famille un peu particulière où chacun joue une partition un brin machiavélique : Agathe est obsédée pour que chacun s’habille en costume d’époque afin de conserver l’esprit aristocratique de ses ancêtres, Hugo, bourru et féru de travail, menace quiconque s’approchera d’Eléonore, qui, elle, s’ennuie et cherche des distractions au bras de Sébastien, dandy charmeur et coureur de jupons. Mais surtout, la famille renferme un terrible secret : Hugo fait cacher Ophélie, sa première femme, dans sa chambre alors qu’il l’a déclarée morte et enterrée.
Dans ce huit clos qui prend l’objet d’une comédie de mœurs, le comique de situation répond au comique de texte où la plume acérée de Sagan donne une touche cruelle et fantastique à l’intrigue. L’ensemble qui apparaît classique au premier abord se teinte progressivement de notes de vaudeville. Mais derrière la légèreté apparente, le propos cible les mœurs sentimentales d’une époque (adultère et inceste) mais aussi l’ennui d’une jeunesse désœuvrée qui se moque des conventions et cherche à vivre d’amour.
La mise en scène se révèle simple mais efficace : toute la pièce se joue au premier plan dans le salon familial et une ligne de fond pailletée délimite un espace de passage en arrière-plan. Un château enfantin sur une table bar permet astucieusement de matérialiser le lieu et les jours qui y passent par l’utilisation d’accessoires ou de figurines pour faire défiler les saisons.
Le code du huit-clos est donc préservé mais les entrées et passages multiples renforcent le rythme du vaudeville. Et du rythme il y en a tant les situations s’enchaînent et les relations évoluent comme si l’arrivée de Fréderic avait cassé la monotonie habituelle et redonné de la vivacité à des personnages paresseux et désintéressés.
L’ensemble de la troupe apporte de la prestance et de l’énergie pour incarner ces caractères bien trempés et ces personnalités volubiles avec un registre faussement dramatique, toujours comique. Chacun se moque et avant tout de lui-même comme un effet miroir drôle de sa propre caricature.
C’est avec beaucoup de naturel que « Château en Suède » nous embarque dans cette déconstruction des codes de la bonne société et cette satire de l’ennui amoureux où la désinvolture des personnages trouve écho à leur insolente perversité. Adieu tristesse pourrait-on dire !
Château en Suède
vec Odile BLANCHET, Bérénice BOCCARA, Gaspard CUILLÉ, Emmanuel GAURY, Sana PUIS, Benjamin ROMIEUX
Costumes : Guenièvre LAFARGE
Lumière : Jean-Pascal PRACHT
Scénographie : Bastien FORESTIER
Musiques : Mathieu RANNOU
Photographies : Studio Vanssay
Dates et lieux des représentations :
- Jusqu'au 9 février 2025 au Théâtre Poche Montparnasse - PARIS