Nos Seins : un combat à mort pour la vie
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Une femme raconte, en chorégraphie et monologue, l’odyssée d’une lutte contre le cancer du sein. Ou comment rendre visible la maladie.
Une femme, ses exercices tirés de l’aïkido terminés, commence à narrer son histoire avec ce mal terrible, qu’on a longtemps et que l’on continue de désigner comme une « longue et douloureuse maladie », le cancer. Elle évoque le sien qui l’a attaqué au sein, ce cancer qui concerne presqu’exclusivement la femme. Françoise déroule, entre inquiétudes et traits d’humour, le long parcours de combattante, de l’acceptation de la maladie au lourd processus de prise en charge médicale (opération, chimio, radiothérapie), jusqu’à l’espoir d’une possible guérison, après la plage de rémission. Françoise, secondée par des témoignages enregistrés de femmes atteintes de cette forme de cancer qui agresse une femme sur huit, dépeint les états par lequel passent les patientes : l’incompréhension d’abord, la peur, les difficultés pour en parler autour de soi, comme s’il s’agissait d’avouer une faiblesse ou, pire, une faute, puis la volonté de se battre contre l’intrus, de se réapproprier ce corps mutilé.
Domination patriarcale
L’auteure, passant du Je au Tu puis au Nous, en appelle à la prise de conscience dans une société où les femmes doivent faire face, dès l’enfance, à la domination patriarcale. Et le traitement de la maladie n’échappe pas à une règle établie depuis l’Antiquité. Le personnage, Françoise, en vient à s’identifier à Sainte Agathe de Catane, martyre chrétienne du 3e siècle qu’on tortura à mort –on lui arracha les seins- pour ne pas avoir répondu aux désirs du proconsul de Sicile. Françoise, entre sorties acerbes et pointes d’ironie, relate les séances de soins hospitaliers où le manque d’empathie peut blesser les patientes. L’apparente distance, la froideur des personnels soignants est, parfois, une façon, pour eux, d’affronter une situation où les espoirs de guérison sont faibles, et les décès perçus comme autant d’échecs.
Combat pour la vie
Françoise Lorente qui a écrit et joue, seule en scène, Nos Seins met en lumière la question de la place des femmes, de leur corps, que nos sociétés tardent à prendre en compte, quand elles ne les dédaignent pas ou les occultent. Il n’est que de voir les manques des pouvoirs publics en la matière s’abritant derrière la création de commissions aux moyens limités, ou d’opérations, certes utiles mais périodiques, telles qu’Octobre rose. Le texte, dont elle interprète tous les personnages (famille, amis, personnels soignants) balance, comme dans la vie, entre poésie, trivialités, humour, références à l’enfance et au rêve. Le dispositif scénique : un tatami -lieu de combats-, des voilages noirs funèbres, traversés de touches de couleurs vives comme l’espoir, éclaire cette confrontation. La chorégraphie lente, tout d’harmonie, peu à peu s’emballe dérivant en un affrontement, que, dès l’entrée des spectateurs, engage la comédienne, résumé de l’état d’esprit d’une femme sur laquelle s’abat le monstre : négation à l’annonce de la maladie, puis, volonté de vaincre et de vivre avec ses cicatrices physiques et mentales. Au final, l’explosion du début fait place à la lenteur, signe d’une sérénité et d’une combativité retrouvées. Un spectacle qui interroge et ne peut laisser indifférent aucun des sexes.
Nos Seins
Ecriture et jeu : Françoise Lorente
Mise en scène : Françoise Lorente et Morgane Janoir
Dates et lieux des représentations :
- Jusqu’au 16 novembre 2024 au Théâtre de La Reine blanche, Paris 18e (01.40.05.06.96 ou