Menu

Albert Camus, Jean-Baptiste Artigas, Jacques Galaup : Chute aux tréfonds de l’âme

  • Écrit par : Christian Kazandjian

La chutePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Une adaptation du roman d’Albert Camus qui replace les êtres humains face à leur fragilité et leurs contradictions.

Jouer l’adaptation d’un roman, qui plus est, seul en scène, tient quelque peu de la gageure. Ce défi, relevé par Jean-Baptiste Artigas, est une réussite. Le comédien met en scène et joue La Chute, tirée du roman d’Albert Camus, adapté par Jacques Galaup. Un défi, disions-nous ? Le texte est un long monologue, que le Prix Nobel de littérature 1957, a écrit l’année précédente. Jean-Baptiste Clamance, ancien avocat parisien a élu domicile à Amsterdam, où il hante un bouge fréquenté par marins et prostituées, le Mexico city. A l’occasion, nostalgique de Paris, de sa vie d’avant, il interprète au piano du jazz, du Kosma. Mais, surtout, il exerce son nouvel office de juge-pénitent, « métier Â» qu’il tente d’expliquer à ses interlocuteurs. Pour dévider sa longue histoire, il aborde un inconnu, dans ce cas un compatriote, interlocuteur muet et auditeur captif. Le récit remonte aux sources d’un passé fructueux, d’une existence frivole, de liaisons volages pour lesquels son charme opérait, comme il continue d’opérer dans ce bar interlope. Au fil d’un récit qui se s’apparente à une confession, apparaissent les fêlures qui conduisirent l’avocat à admettre, enfin, sa propre lâcheté et ses faiblesses.

Reflet


la chuteLa Chute, récit d’une sombre réalité qui n’exclut pas la poésie, joue comme une forme de miroir, tendu par le narrateur à l’homme qui l’accompagne en silence dans sa descente vers les tréfonds de l’âme. Ce miroir est, également, tourné vers le spectateur. Chacun est invité à s’assoir sur la chaise vide face à ce juge-pénitent, pour voir son propre reflet dans le visage de cet interlocuteur singulier et tellement familier. Lui devient nous. Le texte de Camus, dont l’adaptateur a gardé les lignes de force et la richesse d’évocation, aborde les thèmes chers à l’auteur : la culpabilité, la justice, la recherche du sens à donner à sa vie, de la vérité. Le caractère ontologique de l’œuvre lui confère une immuable universalité et engage à le (re)lire.

Accusation

Le décor : un piano, deux chaises qui, déplacées, dessinent un espace nouveau, imprime un caractère d’intimité propice à la confidence. L’habile procédé de « monologue-dialogué Â» place le spectateur dans la peau de l’interlocuteur muet, dont on devine, aux réponses de l’avocat, la teneur, et le met en scène. On assiste ainsi à une mise en accusation de l’homme, de celui qui, comme Jean-Baptiste Clamance, détournant le regard au moment où une femme se jette dans la Seine, refuse de s’engager, au risque de porter le fardeau de la culpabilité le reste de son existence. On écoute avec délice un texte à l’écriture parée de fulgurances, d’amère dérision et d’humour caustique qui en soulignent la profondeur. Quant à Jean-Baptiste, au jeu tout de nuances, il est parfait en comédien-pianiste, dans un rôle empreint d’une fragile humanité.

La Chute
D'après Albert Camus
Adaptation : Jacques Galaup
Interprétation et mise en scène : Jean-Baptiste Artigas
Collaboration artistique : Guillaume Destrem

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu’au 6 janvier 2025, les dimanches à 18h et lundis à 19h au Théâtre Essaïon, Paris 4e, tél. 01.42.78.46.42.


À propos

Les Categories

Les bonus de Monsieur Loyal