La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé : la vérité est-elle source de réconciliation ou de déchirement?
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Mireille, thanatologue célèbre et exilée depuis de nombreuses années, a plus l’habitude de recevoir l’appel de célébrités et personnes mondaines pour embaumer et embellir les stars et accompagner leurs familles dans ce dernier moment. Pourtant ce soir c’est sa défunte mère qu’elle est venue maquiller avant la cérémonie du lendemain. Les souvenirs reviennent, la nostalgie également tout comme la curiosité d’être de retour dans sa ville natale. Et ce sont ses trois frères, qu’elle n’a pas vus depuis des dizaines d’années, qui vont se rappeler à elle et lui remémorer son abandon de la famille.
Enfant, elle était proche de son frère Julien, et de leur ami Laurier Gaudreault jusqu’à cette terrible nuit où Laurier l’aurait violée. L’histoire revient, la douleur se réveille. L’incompréhension aussi d’autant que la défunte mère a décidé de léguer sa fortune à Laurier. Mais pourquoi ?
Cette réunion de famille se transforme en huit clos tendu et psychologique où le dramatique succède au comique, où la légèreté alterne avec la gravité, où l’intime se dévoile rongé par le silence. La fuite de Mireille, il y a de nombreuses années et son absence de nouvelles, évoluant dans un monde fait de paillettes et de superficialité, ont cassé une famille unie, des relations familiales solides et un esprit de clan qui n’était pas près à supporter la vérité. Ou plutôt les vérités. Comme si la mère, en demandant d’être embaumée par sa fille et en faisant de Gaudreault l’héritier, avait voulu être l’ancrage de leurs retrouvailles, le couvercle qui se retire pour laisser échapper les non-dits, briser les silences, réparer les absences, éclater les rancœurs. Avant la vérité, ce sont les émotions qui éclatent.
Très bien construite, la pièce alterne fausses pistes et rebondissements pour faire cheminer l’intrigue et maintenir le suspense au fur et à mesure des révélations. Entre humour et émotion, elle ne tombe jamais dans le pathos et garde un certain décalage face à la complexité intime de chacun des personnages. Les caractères s’opposent, les personnalités s’affirment et les rancœurs explosent mais une dose de légèreté amène de la souplesse à l’ensemble. Construite en huit clos, dans une pièce de la morgue, avec un seul espace de lieu et un temps réduit, la pièce n’est jamais statique et apporte de l’énergie et du dynamisme par les allers et venues des personnages et de courtes ellipses de temps.
Abordant le regard de chacun sur la fin de vie, le poids que porte le silence, l’oubli, la vérité refoulée et le mensonge dans une famille, la place de la fraternité dans les moments difficiles, « La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé » est une belle découverte de cette rentrée qui pose avec humour et tension dramatique une question universelle : la vérité est elle source de réconciliation ou de déchirement ?
La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé
De : Michel Marc BOUCHARD
Mise en scène : Didier BRENGARTH
Assistante mise en scène : Stéphanie FROELIGER
Avec : Gaëlle BILLAUT-DANNO, David MACQUART, Marie MONTOYA, Benjamin PENAMARIA, Julien PERSONNAZ, Margaux VAN DEN PLAS
Scénographie : Olivier PROST
Création lumières : Mathieu COURTAILLIER
Costumes : Mathieu CRESCENCE
Création visuelle : Mathieu COURTAILLIER ET Didier BRENGARTH
Conception sonore : Antoine DAVIAUD
Production : Ki M’aime Me Suive, Théâtre Tristan Bernard et Tcholélé Théâtres
Texte publié aux éditions Théâtrales, éditeur et agent de l’auteur.
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 21 décembre 2024 au Théâtre Tristan Bernard - Paris 75008