Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Juin 1942. Dans le dépôt d’un magasin de tissus, Raymond Martineau, le patron, gère l’inventaire, en compagnie de sa femme et de sa fille. Sont également au travail Joseph, son plus jeune employé, breton par son père et juif par sa mère, et puis Louis, le plus ancien salarié, qui s’est lié d’amitié avec un collabo de la pire espèce. Entre antisémitisme, marché noir et Gestapo, la nuit s’annonce difficile. Pourtant, la vie poursuit son cours.

Raymond Martineau, dont l’accent marseillais évoque Pagnol, se veut le patron, mais il a bien du mal à imposer son autorité à sa femme et à sa fille. Faux tyran et vrai gentil, c’est un homme sensible et intelligent. Joseph se débat avec son identité, tandis que Louis, tout jeune père, erre de lâcheté en compromission. Marcel est un collabo profiteur, le seul protagoniste monolithique. La pièce explore les relations délicates qui se tissent entre ces individus, les choix qu’ils doivent faire, dans un contexte qui exacerbe les tensions.
L’écriture d’Anthony Michineau est d’une précision remarquable. Les situations sont crédibles, et les personnages se révèlent infiniment complexes et profonds, nous touchant au cœur. Les moments de bouleversement intense alternent avec des répliques pleines d’humour. L’équilibre est très juste entre rires et émotion. Le rythme est parfaitement maîtrisé, sans aucun temps mort. La mise en scène intelligente de Julien Alluguette accompagne parfaitement le propos, avec un soin tout particulier porté aux costumes, au décor et à la bande sonore qui recréé l’atmosphère des années 40 avec beaucoup d’authenticité.
Si le texte est subtil et puissant, il est aussi remarquablement servi par une distribution impeccable ! Nicolas Martinez campe un salaud de la plus belle des façons, Guillaume Bouchede (remarquable) apporte sa tendresse et son humanité à un homme fort et fragile à la fois, Anthony Michineau donne corps à un personnage lâche, certes, mais surtout humain, Julien Crampon est un Joseph un peu paumé, Axielle Dodiet est parfaite en jeune fille aux idéaux élevés, tandis que Stéphanie Caillol offre un portrait de femme formidable. Chacun d’entre eux donne souffle et vie à son rôle et embarque les spectateurs qui sont touchés et même bouleversés.

Le public sort sonné, ému, et avec le sourire de ce grand moment de théâtre.

Les marchands d’étoiles est une pièce qui invite à réfléchir, qui explore des thématiques puissantes, le choix, le courage, la morale, l’identité dans un contexte où la mort rôde. Elle oblige à se poser la question qui, hélas, pourrait redevenir d’actualité : « et moi, qu’est-ce que j’aurais fait ? », sans offrir de réponse simple, sans prétendre d’ailleurs qu’une réponse simple peut exister.

Les marchands d’étoiles 
Auteur : Anthony Michineau
Metteur en scène : Julien Aluguette
Scénographe : Georges Vauraz
Création sonore : Yohann Roques
Lumières : Ronan Le Magorec
Avec : Nicolas Martinez, Guillaume Bouchede, Anthony Michineau, Julien Crampon, Stéphanie Caillol et Axelle Dodier
Durée : 1 h 20

Dates et lieux des représentations : 
- Du 23 août 2024 au 5 janvier 2025  : du mercredi au samedi à 21h, le samedi à 16h30 et le dimanche à 17h
- Théâtre du Splendid – 75010 Paris

- Le 28 mars 2025 à - Espace Paul Valéry, 72/74 avenue Ardouin, 94420 Le Plessis Trévise