Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Invective dès les annonces d’accueil, descente de punks au look de loubards, rifs de guitare électrique et tags obscènes dessinés en live : voilà un début iconoclaste qui plante d’entrée l’ambiance punk de ce classique revisité avec beaucoup de virtuosité. Le quatrième mur est déjà brisé et la troupe nous embarque dans le Londres des années 80.

Changement d’époque dès les premières répliques où la prose d’Hugo résonne sans avoir pris une ride. Marie, reine d’Angleterre, s’apprête à épouser le prince d’Espagne et Simon, ambassadeur de ce dernier, souhaite éloigner la reine de Fabiano Fabiani, aventurier duquel elle s’est entichée. D’autant que celui-ci a pour maîtresse Jane, une jeune orpheline recueillie par l’ouvrier ciseleur Gilbert qui en est tombé amoureux. Les Lords de la cour cherchent à tout prix à se débarrasser de l’amant de la Reine et fomentent un crime de lèse-majesté pour pousser celle-ci à la disgrâce.
Derrière les apparats royaux se cachent des passions et secrets d’alcôve révélés au grand jour mais aussi des luttes intestines de pouvoir, un complot politique où chacun joue sa place. C’est là toute la force de la pièce : avoir conservé la vitalité et le côté thriller de la prose de Victor Hugo et lui donner encore plus de verve en la teintant d’un vernis punk et rebelle.
Même si quelques distances sont prises avec des apartés et des commentaires rajoutés, le texte originel résonne avec beaucoup d’insolence et d’esprit de contestation : le phrasé y est parfois rapide pour l’ancrer dans un quotidien plus contemporain. L’interprétation y est énergique, vive, avec une puissance intérieure dans chacun des personnages passant de l’amour à la haine, du sentiment passionnel au ressentiment politique. Les nuances et ruptures sont nombreuses pour faire vivre les sous-couches des personnages et leur complexité de pensée et de sentiment.
Dans un espace réduit à sa plus simple expression, une sorte de squat dépouillé d’un unique matelas et de bâches taguées en fond, tout est fait pour faire exister la richesse du texte et redonner au jeu sa part belle. L’ensemble est sublimé par de la musique, rock et punk forcément, jouée en live.
Ce « Marie Tudor Â» donne un coup de fraîcheur, une vision moderne de la pièce originale sans la dénaturer et en conservant son intensité et son sens de la provocation. Le côté décalé de la mise en scène lui donne de la profondeur et de l’intensité pour faire vivre ces cris de révolte et de passion avec force mais aussi humour.
Un clin d’œil subversif qui n’aurait pas déplu à ce rebelle de Victor Hugo.

Marie Tudor - God save the Queen

De : Victor Hugo
Artistes interprètes : Jonathan ARRIAL, Cédric CHEMIR, Aurélien LEJEUNE, Clémence TENOU
Créateur son : Maxime IKO
Régisseur : Katell PAUGAM
Metteuse en scène : EMA ZAMPA
La compagnie du rubis

Dates et lieux des représentations : 

- Juillet 2024 au Théâtre des Corps Saints - Festival Avignon off 2024