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Démons : une pièce d’une rare intensité qui bouscule les codes et les idées reçues

  • Écrit par : Xavier Paquet

DémonsPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Un intérieur chic et dépouillé : une banquette et une table basse au style art contemporain, une penderie garnie de quelques robes élégantes, un bar agrémenté de quelques fleurs. Katarina, femme trentenaire, se prélasse jusqu’au retour de Frank, son compagnon depuis des années, qui revient de l’enterrement de sa mère dont il rapporte l’urne funéraire.

D’une discussion qui parait ordinaire se construit le rapport de force du couple : chaque parole échangée contient une pique plus ou moins dissimulée envers l’autre. La progression de la discussion se nourrit de plus d’agressivité, de ressentiment non caché, de reproches et d’amour haine qui transpire autant que la toxicité de leur relation. Alors pour résoudre la situation, ils vont faire appel à leurs voisins du dessous, le couple de jeunes parents, Jenna et Tomas, qui se révélera lui aussi dysfonctionnel. Ils aborderont ensemble et par duo la routine du quotidien, la tension de leur relation, la tension sexuelle qu’ils peuvent avoir pour leur voisin(e), leurs pulsions et fantasmes refoulés mais aussi leurs non-dits, leurs silences, leurs tromperies sur eux-mêmes : une déconstruction mentale de leur dérive personnelle comme le déchirement de leurs couples respectifs.
Ce texte de Lars Noren met en avant le goût de la provocation avec une écriture ciselée, fine et précise, quotidienne dans son langage et particulière dans son phrasé qui donne à la pièce un rythme atypique qui renforce la tension dramatique du huit-clos. Sa plume donne une grande dimension psychologique à la tragédie moderne qui se joue mais offre aussi un théâtre de corps où l’engagement physique et l’intensité renforcent la douleur et la violence des scènes.
Dans une mise en scène soignée qui maintient cette tension de bout en bout, les comédiens apportent beaucoup de profondeur à leur personnage entre amour sincère, pulsion refoulée et sauvagerie intérieure. Leur partition est énergique, incarnée et nuancée avec des ruptures nettes pour exprimer ce qu’ils n’arrivent plus à gérer ni contrôler, à faire ressortir ce qu’il y a de plus moche dans l’être humain mais aussi ce qu’il y a de plus violent dans la passion.
Tout est vital en eux, leurs réactions sont viscérales, leurs comportements deviennent bestiaux et leur tension de plus en plus animale. Chacun est prêt à tout détruire et à se détruire lui-même. Avec une bande-son qui met en lumière des faits politiques et sociétaux récents d’une grande violence, la symbolique d’un monde qui bascule vers l’extrême autant que l’extrême violence de leur amour.
Première création d’une jeune compagnie, Â« Démons Â» aborde la toxicité du couple et sa capacité autodestructrice où chacun aime bruler ce qu’il a aimé, détruire ce qu’il a construit et distend le fil de la relation. En filigrane de la passion se cache la haine qui empêche toute reprise de dialogue.
Une pièce d’une rare intensité qui bouscule les codes et les idées reçues sur l’inhumanité animale dans laquelle chacun peut tomber quand il n’est plus aligné avec lui-même.

Démons
Comédien·ne(s) : Cyril Bouffet, Charlotte Braquet, Rebecca Delrieu, Nicolas Derrien
Metteur en scène : Nicolas Derrien

Dates et lieux des représentations: 

- Juillet 2024 au Théâtre des Etoiles - Festival Avignon Off 2024

 


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