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Història d'un senglar (o alguna cosa de Ricard) : un moment de théâtre mémorable!

  • Écrit par : Bertrand Sinapi

Ricardo« Je suis invité à jouer dans Richard III. (...) Je le mérite. Des années et des années à

barboter dans des piscines de milkshake avec des acteurs médiocres, des seconds

rôles ou des premiers rôles dans des pièces minables, jusqu'à ce qu'un jour, on me

propose un rôle à la hauteur de mes possibilités exceptionnelles.

Et maintenant, oui, maintenant, je composerai un vrai personnage, j'étonnerai ceux

qui viendront me voir, je gagnerai tous les prix, j'apparaîtrai dans les magazines, je

serai la fierté de ma famille, de mon pays... »

Gabriel Calderón, Història d'un senglar

Par Bertrand Sinapi - Lagrandeparade.com / Dans un décor de fond de théâtre, depuis sa loge de bouffon, un comédien nous raconte comment on vient de le choisir pour incarner Richard III, comment (enfin) un rôle à sa hauteur lui a été offert et combien il va pouvoir briller en l'interprétant. Il nous explique pourquoi il fera un parfait Richard, écrasant ses prédécesseurs de sa splendeur. Et ce qui éclot au fur et à mesure de ce récit, de cette attente, de cette promesse, c'est Richard, le sanglier, l'animal politique, mi-monstre mi-homme... ! Ce qui advient sur la scène, c'est Richard III, dans sa splendeur et sa monstruosité réunies ! C'est l'incarnation profonde, magique et réelle du « vrai Richard ». 

Joan Carreras, l'interprète, est fabuleux, mêlant les amertumes communes du comédien et du personnage, mêlant leurs haines, leurs noirceurs ! Il s'amuse, jongle, étincelle - 1 heure de puissance, de retenue, d'exagération - et de vérité, rappelant par moment Martin Wuttke, livrant sur scène une de ses performances sublimes...

Le texte de Gabriel Calderón livre une réflexion profonde sur les limites de l'ambition humaine. Cette alliance entre le texte original – dont des tirades entières surgissent de ce soliloque et cette volonté du comédien de dire qui il est et ses propres roueries éclaire le texte d'une lueur qui rappelle les mixages merveilleux d'Heiner Müller... On retrouve ici la même volonté de condenser les mots de Shakespeare, le même pouvoir de révéler l'œuvre originale par un jeu de parabole magnifié ! 

Le seul bémol de cette belle soirée viendra du surtitrage. En effet, la très belle scénographie de Laura Clos, gigantesque, avec ses trappes et ses guindes, nous oblige à faire sauter nos yeux de la scène aux cintres, afin de suivre le titrage et comprendre le catalan qui fuse de la bouche de Carreras comme les projectiles d'une mitraillette. L'exercice est périlleux et nous laisse peu de temps pour notre propre rythme. Mais la performance est si belle qu'on pardonnera bien vite cette gymnastique et notre méconnaissance de cette belle langue.

RicarodCe texte profond, l'interprétation sublime et l'écrin merveilleux de la mise en scène auront fait, à n'en pas douter, de ce sanglier, l'une des pièces maitresse de l'édition 2024.

Història d'un senglar (o alguna cosa de Ricard)
D'après Richard III de William Shakespeare

Uruguay - Espagne (Catalogne) / Création 2020

Avec Joan Carreras 
Texte et mise en scène Gabriel Calderón
Traduction Joan Sellent
Traduction pour le surtitrage Laurent Gallardo (français), Ailish Holly, Eulàlia Morros (anglais)
Scénographie Laura Clos « Closca »
Lumière Ganecha Gil
Costumes Sergi Corbera
Assistanat à la mise en scène Olivia Basora 
Conception personnage et assistanat costumes Núria Llunell
Régie générale Roser Puigdevall
Régie son Ramón Ciércoles
Direction technique Pere Capell
Équipe technique Àngel Puertas  
Machinerie Lluís Nadal « Koko »
Photographe Felipe Mena
Production Marta Colell, Luz Ferrero
Diffusion et communication Bitò

Dates et lieux des représentations: 

Découvert au Théâtre Benoît-XII lors du Festival d'Avignon 2024


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