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Eugène Ionesco : la compagnie Cybèle décoiffe la Cantatrice chauve

  • Écrit par : Guillaume Chérel

La cantatrice chauvePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/  « La Cantatrice chauve Â» est jouée à Paris depuis 1957 au théâtre de la Huchette. Si ce n’est pas ce qu’on appelle un succès ! Et pourtant, la première pièce écrite par Eugène Ionesco, en 1950, au théâtre des Noctambules, publié par le collège de Pataphysique, a reçu un accueil plus que mitigé, jusqu’en 1957. Le public est partagé. Des spectateurs enragent : « Mais qu’est-ce que c’est que ces petits cons ! Ils se foutent de notre gueule ! ». Camus, Breton et Queneau par contre sont conquis. Mêmes réactions du côté des critiques. Jean-Baptiste Jeener écrira : « En attendant, ils font perdre des spectateurs au théâtre. » Au bout d’un mois, la troupe est contrainte d’arrêter les représentations faute de public. Une pièce iconoclaste que Ionesco qualifiait lui-même de « théâtre de dérision Â». Sous-titre « anti-pièce »… L'idée lui est venue après avoir appris l'anglais avec la méthode Assimil : des phrases courtes, décousues, des clichés, le tout donnant un dialogue totalement loufoque. Le titre initial « L'Anglais sans peine Â», est remplacé par « La Cantatrice chauve Â»,à la suite du lapsus d'un comédien lors d'une répétition.

 

Et puis l’incroyable se produit, le Tout-Paris se presse pour découvrir cet objet théâtral non identifié. Depuis près de soixante ans, le Spectacle Ionesco est devenu une institution : "Un grand succès dans un petit théâtre vaut bien mieux qu’un petit succès dans un grand théâtre et encore mieux qu’un petit succès dans un petit théâtre", avait commenté Ionesco. C’est donc au petit Lucernaire que la jeune compagnie Cybèle reprend le flambeau avec fougue et énergie pour une cantatrice « comme vous ne l’avez jamais vue Â», annonce-t-elle.
Mais de quoi est-il question, au fait ? Emblématique du théâtre de l'absurde, cette création loufoque met en scène un couple qui n'a plus rien à se dire, après vingt années de mariage, et un autre qui ne se reconnaît plus. Et puis il y a le pompier et la bonne. Six personnages dans un univers intemporel, où les phrases, les mots, les lettres et les situations s’entrechoquent dans un tourbillon coloré d’absurdité étrange, inquiétant et drôle. Les propos futiles, saugrenus, incohérents sont échangés. Jusqu’au bouquet final.
Le metteur en scène, Alexis Rocamara, s’est intéressé à la bonne. La seule habillée en couleur, les autres sont en noir et blanc, sauf le pompier, rejeté par les deux couples de bourgeois qui s’ennuient. Il l’a voulu « Ã©vanescente, intrigante, inquiétante même. Â» Pour lui, elle est le maître du jeu. Elle orchestre les gestes et les réactions des personnages. Il a mis en exergue le côté sociétal de cette pièce décalée tout en préservant l’humour bizarre qui la caractérise. Le spectacle va crescendo. Au début on est inquiet, mal à l’aise (on dirait des marionnettes, les acteurs sont déjà sur scène quand le public entre pour s’asseoir, l’une chante, l’autre marche, celle-ci aimerait parler, celui-là lit un journal), puis la manipulation opère et le rire l’emporte. Tous les acteurs sont excellents. Ils réussissent le tour de force de nous surprendre avec une provocation devenue un classique.

La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco
Mise en scène d’Alexis Rocamora
Avec Laura Marin (Mme Smith)
Alexis Rocamora (M. Smith)
Taos Sonzoni (Mme Martin)
Jean-Nicolas Gaitte (M. Matin)
Nell Darmourni (La bonne).
Guillaume  Benoit (le pompier)


Au Théâtre Le Lucernaire ( 5, rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris ) - du 16 mars au 8 mai 2016 à 18h30 et reprise du 24 août au 9 octobre 2016
Tel : 01 45 44 57 34 / www.lucernaire.fr

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