Par Lagrandeparade.com/ Vous faire un résumé des horreurs perpétrées par "cette famille de tarés" manquerait de pertinence.

Nous ferions offense à tous les amateurs de mythologie grecque ( et ils sont nombreux!)....quant aux autres, nous leur enlèverions tout le sel de la découverte des malheurs de cette famille maudite. Bah si, on peut vous dire quand même que tout débute par une pomme, une invitée malheureusement oubliée, trois déesses orgueilleuses....et c'est parti pour le début d'une guerre bien connue tant elle est si bien racontée par Homère, journaliste sur le front tout le temps des affrontements ( véridique, vous verrez!) . Très vite, on perçoit qu'il y a deux camps, celui viriliste, conquérant, ambitieux, égoïste des hommes et celui des femmes sensible, lucide, réaliste qui s'affrontent sur "l'absurde vérité de cette guerre abjecte". Comme le dit l'époustouflante Clytemnestre (quelle énergie, quelle présence!) : " vous ne sentez pas une disproportion dans les enjeux?", "la Grèce n'en a rien à faire de cette histoire de cul" entre Pâris et Hélène....et pourtant elle va vraiment avoir lieu cette guerre de dix ans, même si une seconde, le roi Agamemnon est tenté de suivre l'avis de Jean Giroudoux...ou du moins son titre!

Cette version de Jean-François Sivadier - qui signe le texte et la mise en scène et dirige une équipe de jeunes comédiens au talent plus que prometteur - est un pur moment de théâtre jubilatoire et on pèse nos mots autant qu'Atrée a mis du coeur à découper et faire mijoter ses neveux. Le texte est tout à la fois intelligent, moderne, (ir)respectueux des codes de l'Antiquité, pétri de clins d'oeils et références culturelles, délirant, drôle à souhait. Les rôles de femmes sont extraordinaires...à part cette "Putain d'Hélène" dont on ne verra qu'un bout de tête, on croise une galerie de femmes-personnages fortes et de comédiennes formidables qui font virevolter la scène d'une énergie combattive géniale. Les hommes sont tout aussi convaincants dans leur folie, leur lâcheté, leur soif de pouvoir...tandis que d'autres excellent dans des rôles de pitres dignes du grand Shakespeare ( un moment, on croit d'ailleurs vivre un Songe d'une Nuit d'Eté à l'ombre des oliviers sanglants d'Argos).

Grand habitué de la mise en abîme, Jean-François Sivadier multiplie les clins au théâtre...et tous sur scène ( Artémis la bêlante la première) viennent interroger la catharsis, leur identité propre, les (dés)illusions du théâtre : " Suis-je ou ne pas suis-je?", Egisthe désespère de trouver un rôle, la pièce débute sur un prologue "improvisé" à la fraîcheur exquise d'un jeune premier qui se lance...oui, sans cesse, comme le faisaient les grecs à l'époque, on nous rappelle qu'ici c'est du théâtre. Et comme le théâtre est le lieu de tous les possibles, on s'en donne à coeur joie et on convoque les dieux, les dramaturges bien connus, le vocabulaire d'antan et celui d'aujourd'hui pour que les dilemnes et les crimes se digèrent al dente et ne pèsent pas (trop) sur l'estomac.

Ok : ça dure 4 heures avec entracte mais si, comme le dit "le cuisinier psychopathe", "ça a le goût raffiné de la vengeance", si ça éclabousse de résonances pertinentes avec l'actualité et nous rappelle que la situation du monde n'est pas joli-joli,  pourtant on rit BEAUCOUP! On insiste : venez rencontrer toute cette jeunesse brillante qui oeuvre à vous divertir de la plus fabuleuse des manières : on vous y promet ( entre autres ) un fantôme fumant, un siège de Troie qui pétarade, une "oeuvre d'art indépassable", des discours d'une reine qui en fait toujours trop pour notre plus grand plaisir ( et merci pour le subjonctif imparfait), des virelangues et grommelots à gogo, les secrets d'Achille et de ses gros biscotos, une Iphigénie qui déchire, une Electre tonitruante de fureur, une Cassandre givrée à souhait, un Alexandrin en compétition lors d'une course de chars, une comédie bouffonne à Troyes pleine d'effroye où on sauve l'odeur de la Grèce....

Oui, venez, vous serez, le temps de quelques heures les citoyens d'Argos; certes, on vous rappelera "le cycle infernal des chutes et des révolutions" et "l'humanité amnésique" ....mais même si "The show must go on" et qu'il faut avoir peur des serpents qui sifflent sur nos têtes, si cette famille épouvantable a tout pour vous donner des frissons d'horreur, cette pièce, il faut la vivre : "c'est d'une telle " pertinence", vous n'en reviendrez pas"....

On pouvait s'en douter, c'est Jean-François Sivadier qui cuisine.....

Portrait de Famille - Une histoire des Atrides

Avec : Cindy Almeida de Brito, Manon Leguay, Arthur Louis-Calixte, Alexandre Patlajean, Marcel Yildiz, Walid Caïd, Aristote Luyindula, Elena El Ghaoui, Rodolphe Fichera, Marine Gramond, Mohamed Guerbi, Olek Guillaume, Olivia Jubin, Sébastien Lefebvre

Texte et mise en scène : Jean-François Sivadier
Collaboration artistique : Rachid Zanouda
Lumière : Jean-Jacques Beaudouin
Scénographie : étudiants en 4e année à l’Ecole des Arts Décoratifs - Paris : Xavi Ambroise, Martin Huot, Violette Rivière
Costumes : Valérie Montagu
Son : Jean-Louis Imbert
Régie générale et Régie son : Jean-Louis Imbert
Régie lumière : Jean-Jacques Beaudoin
Régie plateau : Marion Le Roy
Habilleur : Yann Pagès
Administration et diffusion : François Le Pillouer

Création de Jean-François Sivadier avec la participation d’une partie de la promotion 23 du CNSAD-PSL. Présentation en avant-premières au Théâtre du Conservatoire par la Cie Italienne avec Orchestre en partenariat avec le CNSAD-PSL du 16 au 20 décembre 2023.

Production déléguée : Cie Italienne avec Orchestre
Coproduction : Théâtre et Auditorium de Poitiers, scène nationale ; L’Azimut, Antony/Châtenay-Malabry
En partenariat avec le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique-PSL
En partenariat avec l’Ecole des Arts Décoratifs - Paris.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.
La compagnie Italienne avec Orchestre est aidée par le Ministère de la Culture/Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile-de-France, au titre de l’aide aux compagnies.

Ce spectacle est créé au Printemps des comédiens de Montpellier du 31 mai au 2 juin 2024.

Crédit-photos : Marie Clauzade

Dates et lieux des représentations: 

- du 18 au 29 septembre 2024 : Le Théâtre de la Commune - CDN Aubervillers

- 4 et 5 octobre 2024 : Le Carré Sainte Maxime

- 13 et 14 novembre 2024 : La Coursive, Scène Nationale de La Rochelle

- 7 et 8 février 2025 : Le TAP, Scène Nationale de Poitiers

- 12 et 13 février 2025 : L'Azimut - Antony/Châtenay-Malabry

- du 19 au 21 mars 2025 : La Comédie de Béthune, CDN Hauts de France

- du 19 au 29 juin 2025 : Le Théâtre du Rond-Point à Paris