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H24 24 heures de la vie d’une femme : une journée d’égarement

  • Écrit par : Christian Kazandjian

H24Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ H24 ou l’histoire d’une femme prise de pitié pour un homme en perdition et entraînée dans une passion dévorante.

Une femme, seule, semble rêver, assise sur un banc en métal, de ceux qu’on trouve dans les jardins de villégiature. Une anecdote, survenue des années auparavant, resurgit d’un passé qu’elle avait quelque peu occulté. Autour d’elle, on évoque l’aventure d’Henriette, une femme mariée qui, sur un coup de tête, ou de foudre selon les appréciations, a quitté son époux pour suivre un jeune homme rencontré quelques heures auparavant. Elle ne condamne pas, comme son entourage, l’épouse infidèle. Elle la comprend. Elle, aristocrate écossaise fortunée, a également vécu, il y a longtemps, après la mort de son mari, une histoire similaire. Le passé, pour douloureux qu’il ait été, trouve dans cet aveu tardif, une forme d’apaisement. Le ton serait à la confession ; mais on ne se repent pas d’un amour fût-il passager. Car l’amour soudain, violent, entier, qu’elle a voué à un jeune inconnu, l’a marqué au fer d’un sentiment non partagé. En effet, un soir, au casino, elle fixe son attention sur les mains d’un joueur, révélatrices, selon elles, les plus fiables des affres de l’âme. Elle décide de sauver de la déchéance, voire du suicide, ce naufragé du jeu, matériellement et moralement ruiné. Ce noble sentiment tout chrétien se transforme, au contact froid puis plein de reconnaissance du bel inconnu, en un amour ravageur, annonçant, croit-elle un avenir heureux. Ce bonheur fou aura duré vingt-quatre heures, vingt-quatre heures au cours desquelles le carcan de solitude et d’amertume, que les voyages peinent à mitiger, se sera desserré, mais que la désillusion refermera.

Amour et désillusion

Adaptée de la nouvelle de Stefan Zweig Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, la pièce H24 rend fidèlement la trame et la force du texte de l’écrivain autrichien. Anne Martinet, qui a écrit l’adaptation et joue la femme sous la direction de Juan Crespillo, confère au personnage toute sa lumineuse beauté, sa flamme intérieure, sa dévorante passion vouée au désenchantement. La décor, réduit à une chaise et au banc de jardin souligne la solitude, lot quotidien d’une femme, désabusée, trahie. Un vieux poste de radio véhicule un souvenir mâtiné d’une forme d’une tendre nostalgie. Le vieil imperméable, maintes fois vêtu puis enlevé, se présente comme la dépouille symbolique d’un amour éteint. Les changements subtils dans la mise (peinture des lèvres, cheveux noués ou relâchés, pieds déchaussés, collier de perles arboré puis arraché) éclairent sur la profondeur des sentiments, « marque de fabrique Â» de l’œuvre de Stefan Zweig, empreinte de délicatesse, d’empathie, sans que soit occultées la cruauté et la lâcheté des sociétés, où la femme est confinée au rôle d’épouse, de mère, d’objet de soumission et de plaisir à l’usage des hommes. Texte ciselé, mise en scène subtile, interprétation délicate : de la belle ouvrage qui, n’en doutons pas, marquera la scène théâtrale dès le prochain festival d’Avignon.

H24 24 heures de la vie d’une femme
D'après Stefan Zweig
Adaptation et jeu : Anne Martinet
Mise en scène : Juan Crespillo

Dates et lieux des représentations :

- Du 7 au 29 juillet 2023 au Théâtre Le Petit Louvre à Avignon - Festival d'Avignon OFF 2023


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