Vertige de Guillaume Vincent : les drames d’une génération
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Vertige (2001-2021) balaie les événements qui ont marqué durablement toute une génération ballotée entre certitudes et doutes.
Septembre 2001. Une école de théâtre. Deux jeunes apprentis-comédiens répètent leur texte. Petit à petit, se greffent cinq autres jeunes qui rêvent de faire de la scène leur métier. On drague un peu, on se chambre, on se file un coup de main durant le travail et on vit en colocation aussi. Cela sent l’insouciance et la confiance en l’avenir. Puis, le 11 septembre tout se brouille : tous les écrans de télévision du pays diffusent en boucle les images de deux tours qui s’effondrent, à New York. Les sept jeunes, à peine démoulés du cocon de l’adolescence, comprennent que leur vie ne sera plus tout à fait la même. Le théâtre, dès lors, comme le disait Peter Brooke (la pièce est donnée aux Bouffes du Nord où tout suinte encore la présence du maître) peut-il être une focale permettant de mieux comprendre le monde. Ils le pensent, même si leur premier travail est un Feydeau (Mais n’te promène donc pas toute nue), eux qui préféreraient monter, en ces temps troublés, des œuvres plus exigeantes, du Brecht, du Tchekhov, du Virginia Woolf ou du Sarah Kane. Finalement, l’une de la bande, qui rêvait de mises en scène, se lance, avec ses camarades, dans le Platonov de Tchekhov. Eclatent alors les conflits latents, sur le plateau et à l’extérieur, effaçant la frontière entre personnages de fiction et acteurs. Puis, on retrouve la petite troupe, vingt ans plus tard. Les trajectoires ont changé, et le monde dérive toujours vers le pire.
Amours et tragédies
Vertige (2001-2021) balaie une tranche de l’histoire d’une génération ayant vécu la naissance des événements tragiques qui bousculent, aujourd’hui, nos société en profondeur : pandémies (sida, Covid), terrorisme religieux et d’Etat, montée des extrêmes-droites, réchauffement climatique. Chacun des sept protagonistes en a vécu les traumatismes. Même l’amour ne peut pas toujours cautériser les plaies. Se pose, pour chacun d’eux, la question de la responsabilité : individuelle, collective ? Comment ont-ils réagi ? En quoi la situation a-t-elle influé sur leur comportement, entre espoirs et désillusions ?
Innocence et cruauté
La pièce qui oscille sans cesse, entre dérision, humour ou désespoir, chassé-croisé que permet le procédé du théâtre dans le théâtre, est remarquablement servie par sept jeunes comédiens (quatre femmes, trois hommes) qui font don de leur corps et de leur fougue pour un texte mêlant allégrement trivialité et émotion poétique. La musique tonitruante parfois, les lumières, les accessoires les costumes soulignent cette lutte constante, chez les individus, entre certitudes et doutes, violence et bienveillance. La présence de six enfants rappelle innocence et cruauté d’un monde de ténèbres qu’éclaire, chez un nombre croissant d’individus, la volonté de laisser aux générations futures un monde meilleur. Vertige (2001-2021) s’inscrit, pleinement de ce fait, dans l’étape actuelle que vit l’humanité.
Vertige (2001-2021)
Texte et mise en scène : Guillaume Vincent
Avec Suzanne de Baecque, Adèle Choubard, Maxime Crescini, Simon Decobert, Joaquim Fossi, Solène Petit, Rebecca Tetens (issus de la promotion 6 de l’École du Nord) et six enfants en alternance : Antonia Berger, Calixte Bicheron, Sacha Bigot, Gabrielle Bigot, Armand Boulet-Troise, Andjili Boutet, Vincent Callot-Siniscalchi, Asïa Chevillon, Gustave Jimenez, Paul Jungman, Martial Marchand, Carmen Martot, Jade Meynieux, Mathias Reis, Olena Renaud-Kallaur, Alicia Rio-Vinet, Célestine Rolland, Gabriel Vassart
Crédit-photo : Simon Gosselin
Date et lieu des représentations:
- Jusqu'au 8 avril 2023 - Théâtre des Bouffes du Nord, Paris 10e (01.46.07.34.50.)
- Du 10 au 13 janvier 2024 au Théâtre Silvia Monfort ( 106, rue Brancion, 75015 Paris)
- Les 19 et 20 janvier 2024 au Domaine D'o- théâtre Jc Carriere, Montpellier