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Phèdre : une sombre et belle adaptation du classique de Racine

  • Écrit par : Xavier Paquet

phedrePar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ L’atmosphère est angoissante, électrique et sombre : le plateau peu éclairé, baignant dans une ténombre d’où s’échappent les vapeurs de l’enfer, sublimé par une musique installant une certaine tension. Jouée dans une ancienne chapelle du XVème siècle, le décor fait de tapisseries apporte une dimension mystique à cette adaptation du chef d’œuvre de Racine.

La mise en scène nous plonge dans un univers hors du temps, croisement d’un couloir ensoleillé et d’une entrée dans les enfers. Un projecteur se reflétant sur un miroir en hauteur crée un faisceau de lumière rasant sur scène symbole d’un soleil se réfletant.

L’histoire n’est pas nouvelle : Phèdre, petite fille du Soleil, a un désir incandescent pour Hippolyte, fils de son mari, le roi d’Athènes Thésée. Hippolyte est lui amoureux d’Aricie, une ennemie du royaume. Entre ces trois s’ouvre une guerre de succession puisque Thésée est proclamé mort. Phèdre annonce à sa nourrice qu’elle renonce à vivre se sentant coupable de son désir interdit pour Hippolyte. Jusqu’à ce que Thésée, revenu d’entre les morts, vienne troubler ce jeu.

La nouveauté de la pièce tient d’abord à la mise en scène portée sur le corps, le dynamisme et la violence physique du jeu d’acteurs. Cette puissance traduit la fureur des passions, les déchirements intérieurs des personnages, la violence du désir : ce parti-pris audacieux donne une grande intensité et renforce la dramaturgie de l’histoire.

La beauté de ce Phèdre tient aussi à la grande qualité de jeu des comédiens qui incarnent chacun leur personnage avec force et douleur et font vibrer les vers du texte pour leur donner tout leur tragique. La voix rauque et grave de Phèdre renforce la rage et la souffrance, la justesse d’un Hippolyte tiraillé, la stature et la sensibilité d’Aricie, le sens du sacrifice d’Oenione, et la puissance organique de Thésée.

L’autre originalité de la pièce est l’incorporation du personnage de Vénus qui, du haut de son perchoir, domine la scène comme si elle en tirait les ficelles par sa puissance divine. Elle ancre davantage le spectacle dans le corps : interpretée par une comédienne acrobate, elle apporte du mouvement, du furtif, de la vivacité comme rupture et une dose de malice et d’espièglerie. Jouant d’un waterphone avec son archer, elle renforce la dimension mystique du spectacle et produit des sons qui actionnent les personnages.

Laurent Domingos, le metteur en scène, voulait dénoncer le patriarcat et l’étouffement que produisent conventions sociales et force du père et de l’homme. Plus que symbolique, ce choix rend plus qu’actuel le texte de Racine et porté par un jeu physique tout en puissance, il révèle les déchirements de chacun entre désir et amour, entre jalousie et trahison, entre envie et honneur.

Ce très beau spectacle est une jolie réussite d’adaptation de ce classique qui interroge la nature humaine sur son côté le plus sombre et le plus animal.

Phèdre
Par la Compagnie Minuit 44 / Les Mots Le Corps et La Note
Mise en scène : Laurent Domingos
Distribution : Alexiane Torres, Laetitia Lebacq, Luna Miti, Aurélie Cuvelier, Victor Duez, Guillaume Blanchard, Laurent Domingos

Dates et lieux des représentations :
Du 7 au 30 juillet 2022, relâche les lundis à 15h20 au Théâtre du Roi-René - Avignon Off 2022

 

 


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