Sur un air de tango : un hymne à l’amour
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Dans Sur un air de tango trois êtres dévoilent leur fragilité, leurs douleurs, leur amour, dans d’émouvants élans d’humanité.
Pierre tient un café-restaurant au bord de la mer. Il s’y active, balai et chiffon en mains, méticuleux, comme toujours : tables et chaises doivent être parfaitement alignées, comme les bouteilles. Entre alors un ouragan, Max son père, septuagénaire joyeux, soiffard, veuf et bientôt dragueur de maison de retraite : un bon vivant qui forma, avec son épouse le duo de danseurs Max et Lili. Le septuagénaire, fan de claquettes, désireux de poser ses pas dans ceux de Fred Astaire, titille le fils, en instance de divorce d’avec Alice « une femme trop belle pour lui », dont il eut deux enfants. Pointes et griefs pleuvent dru entre les deux hommes, signes viril d’amour. Pierre, trop « raisonnable » n’en finit pas de remâcher sa peine et sa rancœur de cocu. Alice le quitte ; elle ne supporte plus ce fantôme de mari toujours absent, car trop absorbé par son travail par lequel il compte faire le bonheur de sa famille. Alice a pris amant. Chacun, face à ces épreuves, se dévoile, expose ses blessures, ses douleurs, son besoin d’amour. Car Sur un air de tango est, avant tout, un hymne à l’amour : conjugal, paternel, filial.
De joies et de peines
Le texte d’Isabelle de Toledo, tout de retenu et traversé d’éclairs, raconte une histoire de gens communs, en proie aux aléas de la vie, faits de peines et de joies, de souvenirs et de remords, de rires et de larmes. On rit des facéties de Max, gouailleur, bordélique, un rien anarchiste, saillies qui cachent des déchirures anciennes. L’émotion n’est jamais loin, lors des échanges entre les trois personnages, lorsque sont évoqués les moments de bonheur anciens partagés. Deux êtres, absents, Lili, l’épouse de Max, la mère de Pierre, et Xavier, « l’autre », l’amant, forment cependant l’axe autour duquel s’enroule la vie des protagonistes. Leur évocation donne chair aux échanges, souligne les non-dits qui polluent les vies, force l’aveu.
Tranches de vie
Les trois comédiens (Damien Boisseau, Pierre, Chloé Froget, Alice et Michel Papineschi, Max) confèrent une juste épaisseur aux personnages, restituant à chacun sa part de sincère humanité. Ils tissent, par subtiles touches, cette trame complexe constituée de petits riens qui fondent le quotidien. Le décor ajoute, avec porte et fenêtre suspendues dans le vide, à l’atmosphère de secrets, de souvenirs évanescents, que rappelle le nom : Lili écrit sur le comptoir et qui lentement s’efface, comme il en va des souvenirs. Ce bar, flagellé par les tempêtes, lieu que l’on retrouve dans de nombreuses œuvres, cinématographiques, littéraires ou de Bd, sert d’écrin parfait à cette tranche de vie, tellement quotidienne, donc tellement touchante. Quant à la nostalgie et l’amour, qui traversent la scène, avec la musique de Carlos Gardel, elle trouve dans la pièce, l’illustration parfaite de la définition qu’en donna l’auteur-compositeur argentin Enrique Santos Discepolo : « le tango, cette pensée triste qui se danse », remarquable définition de la vie.
Sur un air de tango
d’Isabelle de Toledo
Mise en scène : Bénédicte Bailby et Pascal Faber
Avec Michel Papineschi, Chloé Froget et Damien Boisseau
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 25 mai 2022 ,Studio Hébertot, Paris 17e (01.42.93.13.04.)
- Au festival d’Avignon 2022.