Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Alessandro Baricco est un auteur italien passionné de musique qui a remporté de nombreux prix littéraires ( dont le prix Médicis étranger en 1995) et est traduit en plusieurs langues. Son monologue théâtral "Novecento" narre la vie singulière d'un pianiste autodidacte, au talent redoutable, qui a été abandonné à la naissance par ses parents, en 1900, sur un paquebot en partance pour l'Amérique. Recueilli et élevé par un membre de l'équipage, sans véritable identité ni patrie, Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento devient un musicien exceptionnel qui n'a jamais posé les pieds sur la terre ferme...nourrissant ses mélodies de tout ce qu'il entend à bord, véritable transcripteur de la musique de la vie.

Empreint de sensibilité, d'humour et de sagesse, riche de métaphores subtiles, souvent métaphysiques, et de jeux de mots spirituels, le texte est une petite merveille que le talent de conteur extraordinaire d'André Dussolier achève de sublimer. Véritable ode à la vie, à l'amitié et la musique, cette adaptation est une réussite en tous points. La scénographie d'abord, jouant tantôt sur des effets de rideaux et de transparence, tantôt sur un fond de scène paré d'images projetées, place à droite un "lieu" pour les musiciens, à gauche une passerelle amovible qui permet à l'acteur d'imprimer des gestes et des déplacements spécifiques à la vie de croisière. Accoudé à la rambarde, il devient ainsi passager rêvant à cette Amérique qui s'annonce, directeur de croisière à la gouaille emphatique et taquine, trompettiste faisant son entrée sur le bateau....Les jeux d'ombres et de lumières et les effets sonores, deuxièmement, nous embarquent dans des ambiances variées sous la complicité romantique de la lune, au coucher du soleil et, en compagnie d'André Dussolier, on ressent les bercements du ressac, on voltige, "chahuté par les vagues" et l'on s'enfonce à plaisir dans les étages inférieurs, "au fond de la cale, près des chaudières et du charbon"..."comme si l'océan nous berçait". Il faut ensuite évoquer le choix des partitions, la virtuosité des doigts d'Elio de Tanna au piano et la complicité harmonieuse qui lie les musiciens au plateau. Cette pièce donne à la musique un rôle à part entière: elle agit tantôt en contrepoint , tantôt dialogue avec le comédien, tantôt s'offre des monologues enchanteurs pour nos oreilles. Que joue Novecento qui n'a jamais pris aucune leçon ? " Quand on ne sait pas ce que c'est, alors c'est du jazz." Sur le Virginian, l'Atlantic Jazz Band donne à André Dussolier l'occasion de swinguer, d'improviser des claquettes et de faire en sorte que le "coeur cymbale" avec le public à l'unisson. A ce régal de notes, en effet, le comédien, pensionnaire de la Comédie Française ,(qui a reçu pour ce spectacle le Molière 2015 du "Comédien d'un spectacle de théâtre public") donne une jubilatoire leçon de théâtre avec simplicité et naturel. Il n'existe assurément pas beaucoup de comédiens qui provoquent un frisson dès leurs premières portées..." Comment vous dire?"... Le comédien fait preuve d'une énergie prodigieuse et communicative, sa générosité de jeu exsude et il porte avec un talent indiscutable et une exaltation juste cette histoire poétique superbe.

Novecento n'a pas su descendre à terre, effrayé de ne pas réussir à savoir jouer du clavier, aux infinies possibilités, que propose la vie. André Dussolier fait preuve, quant à lui, d'une virtuosité épatante sur le clavier des émotions....

Novecento

Texte : Alessandro Baricco
 / Adaptation française : André Dussollier et Gérald Sibleyras
 Avec la collaboration de Stéphane de Groodt
 / Mise en scène : André Dussollier et Pierre-François Limbosch
Avec André Dussollier
Et les musiciens : Elio di Tanna (piano), Sylvain Gontard (trompette), Michel Bocchi (batterie et percussions), Olivier Andrès (contrebasse)
Collaboration artistique : Catherine D’At
 / Scénographie et images : Pierre-François Limbosch / 
Lumières : Laurent Castaingt
/ Images: Christophe Grelié
 /Création et direction musicales : Christophe Cravero
 / Costumes : Catherine Bouchard
/ Maquillage : Magali Ohlmann
Durée: 1h20

©Christian GANET

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