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Non ! : les mots de Janine Teisson s'unissent à la Cie Filomène pour offrir un portrait sensible de l'anorexie

  • Écrit par : Julie Cadilhac

Janine TeissonPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ "Non!" c'est d'abord la rencontre de deux femmes : Janine Teisson, auteure gardoise de nombreux romans dont une nouvelle sur l'anorexie, "HP 67", et Emilie Chevrier de la Cie Filomène lors de laboratoires de travail à Théâtr'elle. De cette première collaboration nait une complicité et la pièce est ensuite jouée plusieurs fois. "Non!" est le monologue d'une jeune fille de 17 ans qui, dans les années 70, internée dans un asile psychiatrique parce qu'elle refuse de se nourrir, se sent " un puzzle éparpillé dans le noir". Se sentant incomprise par ses parents, le personnel médical et n'ayant aucune véritable amie, depuis qu'elle a dit oui à de futures fiançailles, " papillon tombé dans ( la) toile" de son petit-ami, elle n'arrive pas à formuler cette phrase qui la libérerait déjà un peu " Je ne veux pas me marier.". Elle s'exclame " Je ne veux pas être au service de celui qui dit "Je t'aime.". Passionnée de ses cours de philosophie au lycée, elle rêve d'une vie pour se sustenter exclusivement d'art, de lettres et de culture. Ressentant la vie comme une " forêt de contraintes", ne pas manger est sa manière de refuser l'existence qu'on lui propose. Le texte de Janine Teisson est sensible et pertinent : il nous amène à dépasser la problématique de la maladie pour s'interroger sur nos désirs et réaliser que le " non" est tout aussi constructeur et légitime que le "oui". La comédienne Emilie Chevrier s'approprie avec justesse cette jeune femme fragile et perdue, encadrée d'une scénographie épurée sur laquelle, en fond de scène, viennent se projeter de très belles séquences vidéos de Renaud Dupré. Rencontre avec Janine Teisson pour approfondir ce moment de théâtre touchant qui nous rappelle que " l'instinct de survie est plus fort que les interdits".

Rencontre avec Janine Teisson pour approfondir ce moment de théâtre abouti qui nous rappelle que " l'instinct de survie est plus fort que les interdits".Au départ, "Non!" est une nouvelle, c'est bien ça? Quelle a été la genèse de ce texte?
C'était un texte que je gardais pour moi depuis longtemps. Dans mon premier roman : "La petite cinglée", je disais ce qui avait cabossé mon enfance. Dans ce texte qui avait pour titre : "HP 67", je faisais une plongée dans la douleur de l'adolescence. C'était un texte orphelin, qui ne s'insérait dans aucun projet plus important.

Vous êtes-vous documentée sur l'anorexie mentale pour l'écrire ? Avez-vous été touchée de près par cette maladie?
J'ai connu une courte periode d'anorexie durant ma jeunesse puis j'ai eu l'expérience de l'anorexie en tant que mère. J'en ai fait le récit dans un livre : "L'enfant plume".


Vous avez pu dire à la fin de la représentation à la Maison pour tous Léo Lagrange (Montpellier) que l'anorexie n'était pas, comme on le pensait, un refus de vivre mais la manifestation d'un refus de vivre sur le modèle qui est imposé à ce moment-là à l'individu, c'est bien ça?
Je ne suis pas une spécialiste de l'anorexie, j'exprime ce que je ressens et en effet, dans certains cas, il me semble que l'anorexie est l'expression d'une exigence envers la vie -démesurée, sans doute- plutôt qu'un refus de vivre. L'anorexie a des causes multiples. Elle est aussi tentative de secouer les parents, elle est maladie mentale ,tout, même si on en guérit, il ne faut jamais l'oublier. 


Un jour, lors de journées d'atelier à "Théâtr'elle", vous rencontrez une comédienne avec laquelle l'idée d'adapter cette nouvelle née à la scène nait au fur et à mesure?
Le Théâtr'elle, de Montpellier dirigé par Jocelyne Carmichael, avait réuni en 2011 trois  trios : auteur, comédienne, metteur en scène pour un travail expérimental. J'ai présenté une nouvelle à adapter pour la scène qui avait pour titre : "HP 67", et mon texte est devenu monologue de théâtre. Ce travail de mise en mots, en voix, en scène, qui devait être éphémère, est devenu un spectacle, plusieurs fois joué, en particulier auprès des jeunes.



Dans quelle mesure le regard et la sensibilité d'Emilie Chevrier ont modifié l'univers du texte initial?
Au départ il y a eu une connivence , une rencontre entre nos deux sensibilités, nos histoires personnelles, même si nous ne sommes pas de la même génération. Naturellement, lorsqu'elle s'est sentie libre de le faire,  Emilie a dit et  joué ce monologue comme je l'imaginais. Et puis peu à peu elle s'est approprié le texte et moi de mon côté, je prenais de la distance et acceptais que ces mots, ces émotions qui étaient les miens au départ lui appartiennent.


C'est un monologue. Une jeune femme de 17 ans internée dans une clinique psychiatrique parce qu'elle pèse moins de 40kgs et que ses jours sont en danger. Une idée revient. Les oui l'étouffent. Outre le fait de parler de l'anorexie, ce texte, c'était d'abord la volonté de rappeler qu'on a le droit de dire non?
Oui, limiter cette pièce à l'anorexie serait réducteur. Dans NON! il y a toute la révolte adolescente, le refus de se conformer, d'entrer dans un moule. La douleur de ne pas, pour une raison ou une autre, pouvoir hurler ce NON! 


C'est une adolescente qui est perdue dans ses désirs...une problématique résolument contemporaine selon vous?
Cette pièce est datée d'une certaine façon car l'action se passe dans les années 1967,68. La question du désir ne se posait pas de la même façon à cette époque. Le désir était interdit. L'obéissance était la règle. Une attirance adolescente pour un garçon pouvait mener une jeune fille au mariage. L'adolescente dans NON! sait ce qu'elle ne veut pas mais son éducation l'empêche de l'exprimer. Aujourd'hui ce serait peut-être l'abondance de désirs parfois factices,  proposés par notre société de consommation qui met du trouble dans l'esprit des adolescents.


On l'entend dire en évoquant son attitude vis à vis de son fiancé: " Je fais la fille. Je me dégoûte." Vous êtes l'auteure de nombreux romans jeunesse. Essayez-vous toujours de faire passer un message à vos lecteurs de manière consciente et volontaire? Pensez-vous que c'est un point qui diverge d'avec la littérature adressée aux adultes? qu'il est important d'insister davantage sur des thèmes majeurs, leurs enjeux?
Forcément, lorsque j'écris pour les jeunes, je n'oublie pas ma place et j'exprime mes idées, opinions sur la vie. Mais NON! n'est pas une pièce écrite pour les adolescents.Si le  personnage dit "Je fais la fille. je me dégoûte." Il faut peut-être s'interroger sur la différence entre être une fille et faire la fille. 

Enfin, vous donnez la part belle à la philosophie...Kant, Descartes, Freud, Pascal...même Voltaire. Une solution, un remède, une alternative proposé(e) aux jeunes pour affronter la vie et ses difficultés, pour “ escalader avec le sourire cette montagne de merde”?
Freud a été un éblouissement dans mon adolescence. Une aide, oui. Socrate aussi. Je me disais : en vieillissant on doit aller vers la sagesse, la vie doit finir par être plus confortable. Mais j'étais une jeune fille particulière. Les jeunes ne sont pas forcément sensibles à la philosophie, mais la culture, si on la leur passe, car nous sommes des passeurs, doit les aider à vivre avec eux et avec les autres.

Non!
Texte : Janine Teisson
Jeu : Emilie Chevrier
Lumières et vidéo :Renaud Dupré

Durée: 45 min


Dates des représentations:
    - Le 29 novembre 2015 à la Maison pour Tous Léo Lagrange ( Montpellier)
    - Le 5 décembre 2015 à partir de 16h30, sur la Mezzanine du Théâtre de Lattes ( 34)
    Rencontre-spectacle
    •  16h30 : Rencontre Janine Teisson, auteur, animée par Michel Charbonnel.
    •  17h45 : Représentation Théâtrale  Non! par Filomène et compagnie

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