Anne-Marie Philipe : la fesse cachée de Simone ou Beauvoir et ses hommes
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ On ne présente plus Simone de Beauvoir, auteure du visionnaire Deuxième sexe, et qui a réussi le tour de force d’exister auprès d’un « intellectuel » (comme on disait alors ) de la stature de Jean-Paul Sartre. Une femme-livre et libre, au cerveau bien fait et à la fesse légère (cf. la célèbre photo réalisée par « un » de ses amants, l’écrivain américain Nelson Algren), si l’on en juge par sa correspondance amoureuse avec ce dernier, et Jacques-Laurent Bost. Ou Simone de Beauvoir comme vous ne l’avez jamais lue.
L’idée d’incarner, autant que de les lire, ces lettres revient à Anne-Marie Philipe, fille du grand Gérard Philipe, et mariée au non moins talentueux Jérôme Garcin. Or donc, on le sait, Simone fut « la » femme de Sartre, pour la vie, avec qui elle signa une sorte de pacte de liberté amoureuse : chacun étant libre d’aimer qui elle et il voulait, dans la transparence, tout en restant liés à jamais. Ce ne fut pas sans frictions, ces « amours contingentes », mais on peut dire qu’ils ont réussi. Ils reposent côte à côte, à jamais : quoi de plus romantico-romanesque ?!
Car si Sartre eut de nombreuses maitresses, le Castor aima passionnément plusieurs hommes, et fricota avec quelques femmes… Il y eut d’abord le « petit » Jacques-Laurent Bost, qui fut l’élève de Sartre, et, aux États-Unis, Nelson Algren, sa passion charnelle, comprend-t-on. À ces trois hommes, elle a écrit des lettres ardentes et crues que trois formidables comédiennes, et un comédien, qui a du mal à soutenir la comparaison (mais c’est logique, après tout : il n’est ici « que » le second sexe), interprètent sur scène.
Anne-Marie Philipe, comédienne et metteure en scène, a choisi de montrer en quoi Simone de Beauvoir était une femme d’aujourd’hui… et de demain, car ces lettres mettent en lumière la femme, Simone, moins connue que le Castor, légère, profonde et drôle, quasi irrésistible. A ses côtés, Alexandre Laval, qui joue les trois hommes (Jean-Paul Sartre, Jacques-Laurent Bost, Nelson Algren) a du mal à donner le change. Il parait fade, comparé à la passion et la finesse des sentiments exprimés par une amante, femme de lettres, non seulement subtile et caustique mais sensuelle. La lecture croisée de ces lettres donne un spectacle émouvant, car nous sommes dans l’intime, la sincérité. Il est également souvent drôle (ces gens de plume, encore jeunes, ont le talent de jouer avec les mots et les idées). Dans son montage, Anne-Marie philipe a su trouver l’équilibre entre les lettres légères, qui racontent un même moment entre deux hommes (Sartre et Bost ou Sartre et Algren) et celles plus graves où tout se complique, s’étiole. Ces deux narrations dévoilent une Simone de Beauvoir sentimentale et parfois aussi naïve qu’une adolescente, d’une froide lucidité, d'un pragmatisme implacable, lorsqu’il s’agit de sauver son couple avec Sartre ; de ne pas rompre…. le fameux pacte. Une femme indépendante et amoureuse, quoi.
Pour l’amour de Simone
Textes Simone de Beauvoir et ses amants
Mise en scène : Anne-Marie Philipe
Avec Anne-Marie Philipe, Camille Lockhart, Aurélie Noblesse et Alexandre Laval
Durée : 1h10
Au Lucernaire, du 29 août au 15 octobre 2017, à 18 h 30, du mardi au samedi, et dimanche à 15 h (rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 8 septembre à l’issue de la représentation).
Le Lucernaire ( 53, rue Notre-Dame-Des-Champs - 7506 Paris : 01 45 44 57 34 / www.lucernaire.fr )