Festival Grec 2017 de Barcelone : une journée avec Wajdi Mouawad
- Écrit par : Daniel Bresson
Par Daniel Bresson - Lagrandeparade.fr/ Le festival Grec 2017 de Barcelone a eu l’excellente idée d’inviter, dans le cadre de sa programmation francophone, Wajdi Mouawad, auteur et metteur en scène franco-libanais et directeur du Théâtre de la Colline à Paris, pour présenter son diptyque Les Mourants. Ainsi, la journée du samedi 22 juillet 2017 commençait par une rencontre organisée par La Perla 29 entre une salle de privilégiés et Wajdi Mouawad, animée avec maîtrise par le metteur en scène catalan Oriol Broggi, qui a déjà porté avec succès au plateau plusieurs des pièces de son invité. Wajdi Mouawad a pu y décrire son long cheminement de pensée, qui peut durer six ans, pour concevoir une oeuvre et la mettre en scène, et sa volonté d’y faciliter l’accès du spectateur, même si par la suite sa proposition devient plus exigeante : « Dans mes spectacles, il est facile d’entrer et difficile de pénétrer ». Mais bien au delà de cela, il a pu délecter les spectateurs d’un véritable cours de philosophie sur l’histoire et son poids écrasant sur l’homme, sur la transmission et le devoir de mémoire. Il a expliqué sa vision du théâtre et son étonnement devant la réaction de certains directeurs français qui lui reprochaient l’émotion qu’il provoquait dans ses spectacles. Un beau moment de sincérité que l’auteur nous a réservé, et qui se termina sur un hommage appuyé à son hôte Oriol, très ému et touché. Les deux représentations du diptyque se déroulaient au Teatre Lliure, dans la belle salle Fabia Puisserver. Dans "Inflammation du verbe vivre" , Wajdi Mouawad est seul sur scène mais en permanente interactivité avec le film qu’il a réalisé et qui est projeté sur un rideau, habilement conçu pour qu’il puisse apparaître et disparaître du plateau. Il y rend hommage à Robert Davreu, à qui il avait confié la traduction des deux tragédies de Sophocle et qui meurt en 2013 sans avoir pu finaliser le projet. Il propose ainsi sa propre version de Filoctetes projetée dans la Grèce moderne où voyage son personnage Wahid à la recherche des héros antiques. Devant les difficultés qu’il éprouve, il décide de se suicider et pénètre dans l’Hadès, représenté ici par un aéroport désaffecté. Il devra choisir entre vivre et mourir, guidé par un chauffeur de taxi grec dans un monde rempli d’âmes abandonnées, sous fond de crise financière. La folie est là traitée non comme un échappatoire mais bien comme un acte de résistance. Dans "Les larmes d’Oedipe", Wajdi Mouawad met en parallèle le dernier jour de vie d’Oedipe, rejeté de Thèbes avec sa fille Antigone comme seul soutien et celui d’Alexandròs, un adolescent grec de 15 ans tué par deux policiers lors des révoltes causées par la crise financière. Le fil rouge entre les deux pièces est clair comme cette idée que les auteurs ne créent pas d’histoires mais qu’ils doivent la raconter pour transmettre. Et, comme à chaque fois, sortira du spectacle un moment de lumière, d’espoir et de réconciliation entre les générations avec un mot d’ordre : l’Amitié. Oui M. Mouawad, vous avez convaincu que l’émotion est le plus important au théâtre !! Les spectateurs debout devant ce grand homme, torse-nu, saluant au centre de la scène, l’ont bien senti et ressenti. Et on sort des spectacles bouleversé, au bord des larmes. Un grand moment de bonheur ! Pari gagné !!