Par Delphine Caudal - Lagrandeparade.fr/ "Mais qu’est-ce que j’ai le droit de faire… ?" C’est le cri d’Amélie Cornu dans le rustique et sympathique théâtre Essaïon. Cette artiste, auteure et interprète de la pièce, livre les sentiments exacerbés d’une femme rongée par la douleur de la perte d'un compagnon que le destin lui a arraché subitement. Dans une succession de scènes tantôt euphoriques, tantôt angoissantes, ses sensations olfactives, auditives, corporelles sont décrites avec beaucoup de poésie. Le témoignage ( vécu?) d’une jeune femme en souffrance, qui partage, non sans lyrisme, et par des pointes d’humour, les questions existentielles qui s’imposent à elle durant cette période de deuil si cruelle : "Des seins qui tombent, c'est l'estime de soi qui se casse la gueule".

Ally rencontre Hugo par une amie commune, et c’est pour elle une évidence : « Le principe du 1+1 = 3 prenait maintenant tout son sens » : elle savoure chaque instant vécu ensemble jusqu'à ce qu’on lui arrache ce qu’elle a de plus précieux. Commence pour elle des périodes d’hystérie,d’angoisses, et tardivement de minces espoirs de bonheur….Des photos qui s’envolent et se muent en une créature purement fantasmée, une scène de boulimie décrite avec émotion, détails et jeux de mots qui donnent le sourire : les différentes saveurs arrivent sur notre palais sans que l’on n’y prenne garde. Le désir d’être prise de nouveau dans les bras d’un homme… Ce besoin physiologique qui la tenaille sans relâche est représenté dans une scène de séduction, pour le moins atypique, avec une bouteille de rhum. Une scène métaphorique qui amuse et met en abyme cette tragique et omniprésente détresse d’Ally.
Et le regard des autres ? Quel comportement adopter ? Sourire ? Mettre en avant sa douleur ? Faire comme si de rien n’était…? Et Dieu dans tout cela ? « D'ailleurs, j'ai décidé de faire de Dieu un ennemi personnel. Même que ça va chier la prochaine fois qu'on se verra. S'ils savaient ça, les gens... En attendant, moi, j'ai déserté les bancs d'église. ». Des questions qui restent en suspens, sans réelles réponses…

Une pièce de théâtre qui résonne comme un cri - « Qu’est-ce que j’ai le droit de faire…? Â» - lorsque la vie impose des épreuves. Des réflexions que chacun mène à un moment donné de son existence et qui livre une grille de lecture possible. L’interprétation est intéressante, parfois peut être surjouée…
Le texte, finement travaillé, doux à l’oreille et saisissant par ces métaphores et jeux de langage, est remarquable. Un condensé de poésie peu commun qui se laisse découvrir...

Le cri des Anges
Auteur : Amélie Cornu
Mise en scène : Jean Barlerin
Distribution : Amélie Cornu
Musique originale : Nicolas Dessenne

Au Théâtre Essaïon ( 6 rue Pierre au Lard - 75004  Paris ) jusqu'au 28 juin 2017

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