Le Ciel feu : un nouvel album tout en violence contenue pour entrer dans l'intense monde intérieur de Yazik
- Écrit par : Virginie Gossart
Par Virginie Gossart - Lagrandeparade.fr/ Cela fait déjà plusieurs années que Yazik arpente les routes, armé de sa Stratocaster de toujours et de ses vieux amplis au charme suranné. Déjà deux albums ( "Dépendant évidemment" en 2010, et "Appartement 19" en 2012) et deux EP's ("Être lui" en 2014 et "Le Ciel feu" en 2017) au compteur de ce jeune artiste aux multiples influences et au talent prometteur. En amoureux des mots et chercheur de sons, c'est avec une grande simplicité que Yazik a bien voulu répondre à nos questions...
Combien de temps vous a pris la conception de ce nouvel EP intitulé "Le ciel feu" ? Racontez-nous les différentes étapes qui ont été nécessaires pour obtenir ces quatre nouveaux morceaux.
Cela m'a pris une année, aussi bien l'enregistrement que le pressage, etc. Pour ce qui est des compositions, c'est plus long et plus morcelé : j'écris des paroles et des mélodies que j'assemble en studio, mais certains morceaux de texte sont parfois beaucoup plus anciens et c'est au fil du temps que tout se met en place. Je ne me suis pas trop donné de ligne directrice concernant les différentes étapes de production : au départ, j'avais envie de faire un cinq titres. Je me suis finalement contenté de quatre car aucun autre titre ne me semblait suffisamment abouti pour figurer sur cet EP. Mais j'ai encore de nombreuses compositions qui attendent de figurer sur un CD. Je ne me mets aucune pression et je me laisse aussi beaucoup porter par mes inspirations : je peux très bien partir sur un morceau qui sort du contexte et qui soit très acoustique-voix ou au contraire quelque chose de beaucoup plus orchestré. Je suis assez libre de ce point de vue.
Pourquoi ce titre, "Le ciel feu" ?
C'est en rapport avec une ambiance actuelle. J'étais devant les informations, comme tout le monde, quand se sont produits tous ces évènements qui nous ont bouleversés. J'ai ressenti cette atmosphère pesante où domine le feu, où au loin, on commence à voir des flammes alors qu'on est devant un beau ciel bleu. J'ai joué avec cette image inquiétante pour faire référence à ces divers évènements sans me focaliser sur un seul en particulier. J'avais davantage envie de rendre compte d'un sentiment général et contemporain.
De quelles personnes vous entourez-vous pour la réalisation de vos albums ?
J'ai toujours avec moi mon technicien son qui s'appelle Christophe Pignolet et qui possède un studio nommé "6ème Avenue Records". C'est un studio nomade : il n'a pas de lieu défini mais il a du matériel et se déplace chez les artistes pour faire résonner leurs murs, c'est ce concept qui m'a plu. Le fait de pouvoir maquetter et commencer les enregistrements à la maison permet de garder une continuité dans le son, et puis c'est aussi un super confort de pouvoir travailler chez soi. En général, je m'occupe des différents instruments en studio et je les enregistre les uns après les autres. Pour cet album en revanche, j'ai fait intervenir un batteur qui se nomme Arnaud Perpigna. Sinon, c'est moi qui fait tout de A à Z, essentiellement pour des raisons pratiques parce que je suis un maniaque du son et que je suis capable de recommencer une prise encore et encore jusqu'à obtenir exactement ce que je veux, ce qui serait insupportable pour un autre musicien, même s'il est patient et bienveillant !
Vous semblez préférer créer des atmosphères oniriques, des tableaux intérieurs, plutôt que raconter des histoires. Est-ce un choix conscient ou vous laissez-vous guider par vos intuitions et émotions lorsque vous construisez un morceau ?
Il y a effectivement un choix de ne jamais proposer un texte trop frontal ou percutant. C'est en rapport avec ma conception de la scène, qui doit rester un grand divertissement. J'ai vraiment envie que mes spectateurs s'éclatent lorsqu'ils viennent me voir sur scène. Je préfère leur laisser la possibilité de prendre d'abord du plaisir en live, puis de redécouvrir ensuite sur mes cd, dans une deuxième lecture, des textes qui sont parfois lourds de sens. Je n'hésite pas à aller piocher partout, que ce soit dans le son ou dans les mots. C'est vrai aussi que j'aime être dans l'évasif, le rêve et le suggestif. Parfois, j'aborde aussi les chansons comme si j'y jouais un rôle de composition.
Les ambiances de ce nouvel EP semblent plus sombres et torturées que sur votre précédent EP, "Être lui". Comment l'expliquez-vous ?
On me l'a dit plusieurs fois mais je ne l'ai pas du tout ressenti comme ça. Les sujets sont parfois pesants ou ancrés dans l'actualité, c'est vrai. Le titre "L'oiseau rare", par exemple, raconte une rupture, "Décrocher la Lune" est une petite critique de ces américains qui veulent absolument décrocher l'espace et la Lune avec leur lasso, au risque que le ciel nous tombe sur la tête. Il me semble que des thèmes graves étaient déjà abordés dans le précédent EP dans des titres comme "Ombre" ou "Assis sur l'or". Peut-être que c'est dans la forme que je me suis laissé happer par un côté plus sombre, mais je l'assume complètement.
Ce changement se ressent aussi dans l'orchestration : la présence du clavier paraît plus imposante dans "Le ciel feu" que dans "Être lui" où dominait davantage, nous semble-t-il, la guitare. A quoi est-ce dû d'après vous ?
Je ne sais pas si on peut parler d'un réel virage, car ces deux EP vont finalement constituer un seul album. De nombreux artistes font de la scène avec des compositions, ils travaillent leur set pendant un ou deux ans et au terme de cette période, ils sortent un EP qui contient tout ce qu'ils ont déjà joué sur scène. J'ai décidé de faire différemment : je sors un EP très concept, très propre et léché mais qui n'a aucune vie scénique. Parfois, je peux m'amuser à faire du sur arrangement clavier ou à retirer la guitare, alors que sur scène je suis essentiellement guitariste. Je me mets un peu en danger pour trouver de nouvelles sonorités. Cela me permet ensuite de proposer en live des morceaux qui ont évolué et changé par rapport à leur première version studio. Par exemple, un titre comme "Décrocher la Lune" qui est très clavier, est joué en live à la guitare acoustique, ce qui me permet de faire différentes propositions au public qui me suit.
Vous avez fait le choix de paroles en français, plutôt suggestives, elliptiques, voire même poétiques. C'est souvent à l'auditeur de faire le chemin pour en interpréter le sens. Est-ce que c'est une démarche volontaire de votre part ?
C'est une démarche volontaire, mais je ne sais pas écrire différemment. Mes textes partent rarement d'une histoire construite, mais plutôt d'une idée abstraite ou d'une expression, d'une simple phrase. Je suis également cinéphile et j'aime que les clés ne me soient pas toutes données dans un film, comme chez David Lynch que j'adore. Au cinéma, j'aime rester sur des questions ou sur d'autres ouvertures possibles. Cela permet à tout le monde de s'y retrouver. De la même façon, mes chansons restent ouvertes à plusieurs interprétations.
Parfois, vous vous amusez même à nous perdre un peu. Quel est le sujet de la chanson intitulée "L' IA" ? Une histoire d'amour cybernétique ?
C'est justement le genre de chanson où j'endosse un rôle, comme au théâtre ou au cinéma. Je suis un homme qui parle à une femme humanoïde, qui se sent à la fois très attiré par elle tout en comprenant que ce n'est qu'un robot. C'est une situation que je n'ai jamais vécue mais je me mets dans la peau de quelqu'un qui pourrait vivre cette expérience et j'imagine ce qu'il pourrait ressentir. Étant un grand fan du film "A.I" de Steven Spielberg, j'ai essayé de transposer son sujet dans cette chanson. On peut même entendre le titre comme un prénom féminin, ce qui ajoute une certaine ambiguïté.
Quelles sont vos influences musicales ? Si les références à des artistes comme Matthieu Chedid sont assez manisfestes pour "Être lui", cela semble moins vrai pour ce nouvel EP. Avez-vous voulu prendre une certaine distance par rapports à vos modèles artistiques pour créer quelque chose de plus personnel ?
J'ai beaucoup écouté Jimi Hendrix à la guitare électrique, même si ce n'est pas forcément en rapport direct avec mon univers musical. Jeff Buckley est également un artiste que j'apprécie énormément : la beauté de sa musique me laisse toujours bouche bée. Dans les artistes français, j'apprécie tout particulièrement l'écriture d'Alain Bashung. J'ai découvert son travail très tard, peu de temps avant sa mort, mais je trouve que c'est un parolier exceptionnel. Chaque mot est à la fois poétique et incisif, c'est donc forcément devenu un modèle pour moi. Un artiste comme Matthieu Chedid m'a aussi beaucoup influencé, c'est vrai. C'est avec son DVD live que j'ai appris la guitare il y a dix ans. Mais je ne calcule pas ce que je fais ni à qui je prends telle ou telle chose. Ceux qui essaient de calculer sont déjà dans l'erreur, il me semble. Plus on compose, plus on prend des automatismes piochés chez tel ou tel artiste et c'est ce qui finalement constitue notre propre son. Aujourd'hui, je crois qu'il n'est plus possible d'inventer quoi que ce soit en musique. Mais en s'appropriant peu à peu ce qui nous plaît dans les artistes que l'on aime, on devient capable de faire au public une proposition artistique originale.
Avez-vous des dates de concert ou des tournées en prévision ?
Comme mon dernier EP vient de sortir, je suis entré dans une phase de promotion où je fais pas mal d'émissions de radio, entre autres. Sur facebook vont être communiquées de nouvelles dates très prochainement. Je peux déjà communiquer une date : le 28 avril 2017, je jouerai à Bages, au Chaudron, un lieu que j'adore. Et d'autres dates devraient bientôt suivre.
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