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Danser : Hugo Marchand, l’étoile du ballet…

  • Écrit par : Serge Bressan

hugoPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Des confidences à la radio : « On est tous nés avec une forme de bourgeon en soi, qui éclot ou non ». Ou encore : « La danse est le moteur de ma vie depuis que je suis tout petit ». A 27 ans, Hugo Marchand est l’une des étoiles de la nouvelle génération de la danse française- il a commencé la danse à 9 ans après avoir pratiqué la gymnastique, et en 2017, à 24 ans, il est devenu danseur étoile du ballet de l’Opéra national de Paris. L’un des plus médiatiques, aussi- dans la lignée de grands prédécesseurs, de Patrick Dupond à Nicolas Le Riche, en passant par Kader Belarbi, Eric Vu-An ou encore Manuel Legris… Normal dès lors qu’une maison d’édition, Arthaud en l’occurrence, le contacte pour qu’il raconte. Sa passion ; son parcours du Conservatoire de Nantes à l’Opéra de Paris en passant par l’Ecole de danse de l’Opéra ; le monde de la danse et ses coulisses ; les heures interminables de travail au sol, à la barre, les sauts… Gabarit atypique (1m92 !) chez les danseurs, Hugo Marchand a d’abord été dubitatif, puis a accepté de « mettre en lumière mon art à travers un livre ». C’est « Danser », un texte de confidences, de choses vues, d’autres vécues ; c’est une plongée dans un monde implacable avec ses règles, ses codes, ses lois…

Gamin, il est venu par hasard à la danse, en suivant un copain. Souvenir : « Je ne suis pas Billy Elliott encore moins Noureev. Pas de construction seul contre tous, ni de légende. Nul cinéma. Ni fulgurance. Je suis comme tous les gosses ». Alors, le tennis et le judo ne l’intéressent pas, ses parents le surnomment Zébulon, il opte pour le cirque : « Ce qui me bottait, c’était les acrobates ; marcher en équilibre sur un ballon, jongler comme si j’avais plein de bras ». La gymnastique, puis la danse. Un jour, il a 13 ans, c’est le grand départ, il quitte la maison familiale, se retrouve en banlieue parisienne à Nanterre, c’est l’Ecole de danse de l’Opéra national de Paris. Début d’un parcours du combattant. Devenir danseur, un rêve, pas vraiment une vocation… Cinquième division à l’Ecole, l’année « des premiers grands questionnements et des doutes. Mes parents semblent inquiets. Ils ne maîtrisent pas ce qui remplit mon quotidien sans eux. Je téléphone à ma mère chaque soir… » Et aussi l’inquiétude « face à cette question qui revient de façon récurrente entre les jeunes danseurs, comme un refrain chewing-gum dont on n’arrive pas à se débarrasser : « Et toi, t’es gay ? Est-ce que t’es gay ? » Je n’en sais rien, j’ai 13 ans »…
Après l’apprentissage à l’Ecole, l’entrée au Ballet de l’Opéra fort de 154 membres- qui ne sont remplacés que lors de départ à la retraite, fixée à 42 ans. Ce qui signifie qu’une année, il peut y avoir un poste à pourvoir, et une autre année, peut-être cinq en fonction des départs. Quand Hugo Marchand entre au Ballet en 2014, c’est la découverte d’un monde particulier dans le Palais-Garnier, à quelques mètres des grands magasins parisiens. Le travail et l’entraînement sont d’une intensité folle. Dans « Danser », Hugo Marchand précise : « La perfection, nous la cherchons. Sans cesse. Depuis notre passage à l’Ecole de danse, nous la travaillons. Vis-à-vis du public, nous la lui devons. Chaque jour, perfectibles, nous apprenons à l’être. Parfois à nos dépens »… Et que dire de cette hiérarchie avec ses cinq échelons à gravir à coup d’examen de promotion pour grimper de quadrille à étoile, en passant par coryphée, sujet et premier danseur ? Marchand rappelle que lorsqu’un danseur s’entraîne à la barre devant le miroir dans la salle pleine, il doit laisser la place à un autre plus haut que lui dans la hiérarchie qui vient travailler ses gammes… et que nombre de rôles sont réservés à un danseur en fonction de son grade- ce que l’éphémère directeur de la danse Benjamin Millepied avait bousculé, ce qui avait profité à Hugo Marchand et d’autres jeunes sujets du ballet… Ce même Benjamin Millepied qui, pour Manon- ce ballet pour une histoire entre un « fripon » et une « catin »-, a imaginé et proposé au jeune Marchand l’association avec Dorothée Gilbert. La découverte, pour le danseur, de ce qu’est la fusion, la communion, le lâcher-prise de deux corps dans cette école de l’acceptation.
« On associe la danse à l’école de la discipline, écrit Hugo Marchand. Indéniablement elle l’est. Mais la danse est surtout et avant tout l’école de l’acceptation. Celle de la perpétuelle correction. L’acceptation… Une histoire au long cours. Bien plus difficile à appréhender que de se plier aux fers de la discipline. Nous y souscrivons. Elle nous structure, c’est un cadre, le moyen d'atteindre l’objectif que de danser ». Et d’ajouter : « Mais comment accepter de ne jamais être assez bien, de ne jamais faire assez bien ? Comment intégrer que notre corps soit un outil de travail soumis au regard continu des enseignants ? Comment comprendre cette combinaison des possibles entre notre corps et l’intelligence de son fonctionnement ? » Le 3 mars 2017, avec le ballet de l’Opéra de Paris, Hugo Marchand est à Tokyo- il se doit d’avoir fait le voyage au Japon au forfait sur blessure d’un autre danseur. Il est sur la scène avec la troupe dans le rôle de James, il est de la représentation du ballet « La Sylphide » à l’issue de laquelle, par la directrice de la danse de l’Opéra de Paris, il est nommé danseur étoile. Au hasard des pages de « Danser », un aveu de Hugo Marchand : « Je suis tellement perfectionniste que j’ai du mal à me réjouir des choses qui m’arrivent… »

Danser
Auteur : Hugo Marchand (en collaboration avec Caroline de Bodinat)
Editions : Arthaud
Parution : 3 février 2021
Prix : 19, 90 €

Extrait

« Qu’est-ce qu’un danseur, une étoile, au-delà de son image de papier glacé ?
Peut-être quelqu’un qui devient de plus en plus égocentré, qui apprend à l’être jusqu’à ce point de total isolement. Un individu souffrant de l’unique obsession de sa personne. Un être hors sol. Une projection. (…)
Comme toute étoile à qui l’on impose et qui s’est imposée d ene s’occuper que de sa propre personne depuis l’Ecole, nous sommes obsédés par nous-mêmes.
Après une carrière, des adieux à la scène, après avoir été l’objet de déification, comment, à plus de 42 ans, modifier profondément son caractère, ses réflexes, ce qui a guidé le culte de soi-même au quotidien pendant si longtemps ? »

hugo

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