Zebra : Wes Peden, jongleur indomptable
- Écrit par : Victor Waque
Par Victor Waqué - Lagrandeparade.com/ Dans le cadre du festival « Rencontre des jonglages » qui a lieu du 5 avril au 5 mai 2019, la scène nationale de l’Essonne accueillait le grand Wes Peden pour son spectacle « Zebra ». Un seul sur scène qui met en lumière toute la virtuosité du jongleur autant que sa créativité. Il détourne les objets, enchaîne à une vitesse folle des lancers complexes, et finalement assume un univers bien à lui.
Wes Peden est l’un des jongleurs actuels les plus populaires et reconnus dans le milieu, par sa puissance technique et par son style atypique. D’une part le jongleur détient des records de lancers, comme par exemple celui de jongler avec 7 massues en les lançant depuis son dos (backcross). Mais un artiste ce n’est pas un champion de la complexité. C’est un créateur d’émotions. Il sait aussi le faire. A travers un style underground où les vêtements flashy se mêlent à l’utilisation d’espaces originaux comme une station essence ou un désert de terre rouge. Wes Peden explore l’art de jongler dans tous les domaines, pour tracer sa propre voie.
Dans son spectacle « Zebra », tout est noir et blanc. La lumière qui contraste avec le fond sombre de la scène. Ses vêtements. Les massues. Même la bouteille d’eau où pendent des zébrures blanches. Mais la référence au zèbre ne s’arrête certainement pas là . Il peut faire écho au livre « Le zèbre » où Alexandre Jardin illustre la grande caractéristique de cet animal : il est indomptable.
On retrouve ici un digne héritier du héro du roman. Le personnage est libre de toute contrainte, et ne fait rien comme tout le monde. Pour changer le vinyle de son tourne-disque placé sur scène, Wes Peden jongle d’une main et tire le vinyle de sa pochette de l’autre. Avec des pinces allongées il le place sur la platine. Il enchaîne les comportements bizarres. « Zebra » s’inscrit sous le signe de l’humour. Un zèbre à la dextérité remarquable.
Wes Peden jongle avec les objets conventionnels du jonglage. Mais pas comme tout le monde. Anneaux. Massues. Balles. Sa virtuosité est notable, l’œil du spectateur averti est vite ébloui par la vitesse d’exécution autant que la variété de lancers. Les balles rebondissent sur le coude, l’avant bras, le dos de la main. Les cinq massues volent fluidement en cascade avant d’être lancées dans un feu d’artifice de rotations. Les anneaux parcourent les bras du jongleur, restent en équilibre sur sa tête. Wes Peden démontre toute la variété de son répertoire de jongleur. Une poésie émerge de ces milliers de lancers.
Mais le zèbre ne va pas se restreindre à des objets si classiques ! Avec une corde à sauter striée de blanc et de noir il s’entraîne comme un boxeur avant de détourner son utilisation ! Avec une intensité impressionnante, il fait tourner la corde à toute vitesse, traçant des lignes dans l’espace. Avec le trépied d’un projecteur, il joue à l’équilibriste, calant un pied de la structure sur son front. Plus tard encore il mêlera l’utilisation d’une guirlande blanche avec des balles, dans un ballet magnifique.
Dans ce spectacle, il y a du jonglage et encore du jonglage. Il n’y a que ca. Le jonglage est la raison de vivre de Wes Peden qui en fait en toute occasion. S’il fait l’unanimité chez des spectateurs avertis souvent eux-mêmes pratiquants, on peut néanmoins se demander si pour un spectateur moins connaisseur, cet enchaînement ininterrompu de lancers incroyables et diversifiés ne pourrait pas entraîner une certaine lassitude. La vitesse est telle qu’on ne voit pas forcément les subtiles variations. Car la prouesse est cachée par la facilité du jongleur. En effet Wes Peden ne joue pas une dramaturgie de l’exploit comme le ferait un jongleur de cirque traditionnel qui échoue plusieurs fois sciemment avant de réussir sous un tonnerre d’applaudissements. Non il jongle, que ce soit dur ou facile de la même manière, pour le plaisir. Toute la difficulté du jonglage artistique est souvent là , mêler poésie sans mettre de côté la complexité, exprimer autant ses émotions que son talent moteur.
Wes Peden lance les objets dans toutes les directions. Il joue avec les règles classiques du jonglage pour nous surprendre encore et encore. Avec « Zebra » il nous entraîne dans une part de sa vie, celle d’un style de vie où l’on n’envisage qu’une chose : lancer et rattraper. Un indomptable.
Festival Rencontre des jonglages - Du 5 avril au 5 mai 2019, partout en ÃŽle-de-France