Marie et les naufragés : une parenthèse cinématographique délicieusement décalée
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ "Marie est dangereuse" a soufflé - comme un avertissement - Antoine à Siméon qui essaie de la joindre pour lui restituer son portefeuille qu'il a trouvé sur un trottoir. Rien de tel pour aiguiser la curiosité d'un jeune trentenaire qui n'a rien à perdre et peut-être tout à gagner! De filatures en confidences, de réminiscences nostalgiques ou affectées en expériences ontologiques, se tisse peu à peu entre les protagonistes de cette fable tendre une complicité attrayante. Cinq êtres qui, par le hasard des circonstances, sont amenés à se croiser, partager leurs loufoqueries, leurs déboires et leurs appréhensions, boire la tasse - un peu ! - et sortir la tête de l'eau sur l'île de Groix...
Voilà un film qui rappelle, par sa facture et son esprit, l'incontournable "Amélie Poulain" et son éclaboussante fraîcheur, emprunte aussi - en bouquet final - à Pina Bausch et à ses rondes expressives qui s'inspirent de l'anatomie des danseurs et éclosent du vécu de ses interprètes et aussi - on l'ose - à la poésie d'Eluard et la liberté de son langage, lyrique et hétéroclite. "Marie et ses naufragés" véhicule l'idée, avec pétillance et humour, poésie et tendresse, que tout l'intérêt de la vie réside certainement dans les péripéties de son chemin, bien plus que dans la destination que l'on s'est donnée (ou que l'on souhaiterait atteindre).
"Marie et les naufragés" a tout juste : comique de situations, de caractères et de langage s'enchaînent et s'entrecroisent , offrant une parenthèse délicieuse dont on ne saura trop applaudir autant la distribution que le scénario, l'excellence de la bande-son et l'originalité des montages. Jouant d'effets intimistes, et "brisant le 4ème mur en faisant parler ses personnages face caméra ", ce film a le talent de nous faire immédiatement aimer tous les individus que l'on y rencontre. Eric Cantona est formidable dans le rôle d'Antoine, romancier en mal d'inspiration d'origine marseillaise à l'épisode électrosensible tordant et à la rugosité attachante, Pierre Rochefort désarme - et charme - en Siméon au naturel aussi flegmatique que déterminé, Damien Chapelle incarne Oscar, co-locataire musicien et somnambule résolument perché, avec sensibilité et humour, Vimala Pons en Marie perce l'écran de sa candeur lunaire.
Sébastien Betbeder est un jeune réalisateur dont " Marie et les naufragés" est le troisième long-métrage ( après " Les nuits avec Théodore" et " 2 automnes et 2 hivers"). Il impose dans cette comédie "sentimentale" une patte singulière dont on présage un bel avenir! Ce long-métrage est en effet empreint d'une fraîcheur et d'un optimisme revigorants! Certains films font sens et touchent nos sens. "Marie et les naufragés" est de ceux-là et nous invite ainsi à faire "l'expérience" du monde qui nous entoure "autrement". On en sort le sourire aux lèvres et la tête pleine de répliques drolatiques et/ou justes à l'instar de l'une des dernières phrases de Marie à son ex-petit-ami...qui lui suggère que l'importance de s'être connus est sans doute bien supérieure au souvenir de s'être quittés. Pour sûr, " La terre est bleue comme une orange", nos bizarreries sont nos plus grandes richesses et il faut garder, envers et contre tout, le droit de croire que tout est possible, la tête dans les étoiles...un caillou - ou pas - au fond de la chaussure! Filez-le voir!
Marie et ses naufragés
De Sébastien Betbeder
Date de sortie : 13 avril 2016
Durée: 1h44
Avec Pierre Rochefort, Vimala Pons, Eric Cantona, Damien Chapelle, André Wilms, Emmanuelle Riva, Wim Willaert, Didier Sandre, KT Gorique
Soundtrack : Sébastien Tellier
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