Seule la Terre est éternelle : un documentaire éblouissant et profond
- Écrit par : Marie Lucas
Par Marie Lucas - Lagrandeparade.com/ François Busnel et Adrien Soland réussissent le pari de réaliser un documentaire éblouissant sur l’écrivain américain Jim Harrison tout en dépassant largement le simple aspect biographique. Ode à la nature et ode à la vie, le documentaire offre un voyage délicieux dans le Grand Ouest américain. On en ressort fort d’une énergie vitale et avec l’envie de partager ces images avec le reste du monde.
Jim Harrison : un écrivain, un personnage
Le film commence par un souffle rauque, haletant ; puis une voix se fait entendre à l’écran : « il n’y a pas beaucoup de filles par ici ! ». Jim Harrison apparaît dans le paysage immense. Œil gauche qui part de travers, bouche édentée s’ouvrant sur une langue râpeuse ou se refermant continuellement sur une cigarette, le ventre rebondi et le pas chancelant rassuré par une canne, le personnage qui remplit les gros plans est loin des stars de cinéma qui occupent habituellement nos écrans. Le documentaire Seule la Terre est éternelle nous offre bien autre chose. Nous découvrons un mythe de la littérature américaine dans toute sa simplicité et son authenticité. Nous embarquons pour un road-trip en compagnie de l’écrivain au cœur de la nature sauvage et splendide du Grand Ouest américain. Bien plus encore, les réalisateurs François Busnel et Adrien Soland nous offrent un voyage poétique et philosophique qui questionne notre rapport au monde et se poursuit encore longtemps après avoir quitté la salle de cinéma.
Le cinéma et la beauté du monde
Ce qui frappe d’abord, c’est la vérité qui saute à la figure à chaque image. Les plans serrés sur le visage de Jim Harrison alternent avec des plans larges et de magnifiques panoramiques. Les images font briller dans notre rétine la profondeur de l’humanité inscrite dans les rides du personnage et dans sa barbe roussie par le tabac. Le cinéma révèle la beauté des paysages sauvages. L’immensité du monde absorbe l’écrivain qui s’y promène ; le spectateur plonge littéralement dans le grand écran. Entouré de forêts, de rivières, de plaines, de montagnes, et dominé par le ciel, il voyage, il rêve, il philosophe.
La « philosophie harrisonienne » : apprendre à se ré-ensauvager !
Ce qui frappe encore, c’est la cohérence entre l’homme, le monde sauvage qui l’entoure et son œuvre. Jim Harrison a ce don de sentir le pouls du monde et de plonger dans l’âme de ses habitants. Il comprend la Nature ; il comprend l’Homme. Il devient ses personnages le temps de l’écriture. Tout en nous racontant son rapport à la création littéraire, il raconte les anecdotes qui ont jalonné sa vie de mauvais garçon. Qu’est-ce qu’être un Homme ? Qu’est-ce que vivre ? Comment fait-on pour être moins malheureux ? Chacune des phrases de Jim, prononcée avec humour et beaucoup de simplicité, fait mouche. « Nous sommes la Nature et nous l’avons oublié. »
Une contre-histoire de l’Amérique
Au fil du récit, Jim Harrison nous propose un autre regard sur l’Amérique, loin des clichés véhiculés dans les westerns. Sa proximité avec le peuple des Indiens d’Amériques questionne l’Histoire passée comme présente. « J’ai appris qu’on ne peut pas comprendre une autre culture tant qu’on tient à défendre la sienne coûte que coûte. Comme disaient les Sioux, « Courage, seule la Terre est éternelle ! ».
Si François Busnel défend la littérature comme un art qui permet de mieux vivre, il prouve ici que le cinéma peut agir sur nos vies. En ces temps troublés, Seule la Terre est éternelle est un film à voir absolument. Sans aucun esprit de sérieux, et porté par la drôlerie de Jim Harrison, il rafraichit la pensée et offre un essentiel moment de liberté.
Seule la terre est éternelle
Documentaire
De François Busnel et Adrien Soland
Avec Jim Harrison
En salles : 23 mars 2022
Durée : 1h 52min
Découvert en avant-première au cinéma Diagonal ( Montpellier - 34)