Joker : un portrait fascinant de l’homme qui rit
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Qui était vraiment Arthur Fleck, mieux connu sous le nom de Joker, ennemi juré de Batman, homme sans concession méprisé de la société? Todd Phillips et Scott Silver ont imaginé une genèse singulière de ce « monstre » au sourire effrayant et l’on est bluffé de bout en bout…Joaquin Phoenix incarne avec un talent prodigieux ce personnage inquiétant dont chaque geste, chaque posture, chaque regard trahit tout autant une folie latente qu’une fragilité désarmante.
Gotham, haut-lieu d’inégalités sociales criantes, s’avère une jungle dans laquelle le danger rôde partout. Mais si la misère entraîne son lot de petite criminalité ordinaire, du côté des salariés de la prestigieuse entreprise Wayne, on ne se comporte pas mieux. Dans cette violence quotidienne, Arthur Fleck à la sensibilité à la fleur de peau et au sens de la justice exacerbé, tente de tenir le coup à coups de cachetons et de rendez-vous de soutiens psychologiques…mais peut-on éternellement faire le dos rond et endurer l’inadmissible? Et s'il transformait la tragédie de sa vie en une comédie? Accrochez-vous…rira bien qui rira le dernier!
On aime d’abord dans cette réécriture du mythe son aspect socialement engagé. Et si l’on redonnait voix au chapitre aux miséreux? Fuck la famille Wayne et les héros sortis des beaux manoirs! Si l’on grattait un peu derrière les masques, quels secrets y trouverait-on? Les méchants n'ont-ils jamais de circonstances atténuantes?
Le deuxième aspect jubilatoire du long-métrage réside en son montage qui ne cesse de jouer avec le temps et ménage un suspense qui ne faiblit jamais. Tout le génie de cette fiction réside dans le brouillage des frontières entre la réalité et le délire du protagoniste principal. Le spectateur est malmené à plaisir et ne saurait démêler le vrai du faux.
La bande-sonore tonitrue de justesse…et la scène plongeante dans un immense escalier urbain joue en ce sens les acmés de cette mascarade dansée : le Joker, en effet, s'extirpe peu à peu de sa carapace et ses chorégraphies fébriles fonctionnent comme un exécutoire, souvent prélude au crime libérateur. La qualité photographique de l’image est tout simplement époustouflante…chaque séquence est d’une esthétique citadine saisissante. Chaque scène compte et recèle de plans, d’angles de vues et de cadrages judicieux. Les couleurs balançant entre décors saturés et ambiances entre chien et loup sont fascinantes. L’utilisation récurrente des miroirs - nécessaire accessoire pour qui a besoin d’exister -, des effets de transparence derrière les vitres - pour se sentir toujours épié - et de motifs à carreaux qui rappellent l’arlequin joueur…sont autant de clins d’oeil visuels pertinents.
La distribution fait un sans-faute…Robert de Niro convainc en animateur de stand-up télévisé et Joaquin Phoenix est GENIAL. Il « poingte » avec un charisme tonitruant les injustices, provoque à la fois un sentiment de malaise ténu vis à vis de cet individu psychopathe d’une violence immaîtrisable tout autant qu’une paradoxale empathie pour cet être au regard d’agneau. Sa gestuelle a été travaillée à la perfection : il campe un clown magnifique et dont on se souviendra longtemps.
Evidemment que vous irez le voir…ce film va devenir un classique! Ce rire irrépressible du Joker, ce masque enfariné aux yeux noirs, c’est la grimace d’un monde qui souffre, prémices d’une implosion sociétale annoncée…
Séance de maquillage au sourire endolori, coup de téléphone désespéré accroché au fil d’une cabine téléphonique, rencontre magique avec Bruce Wayne en devenir, minute de bonheur en suspension dans un théâtre avec Chaplin, gouttes de sang perlées sur le maquillage blanc…Les plus belles séquences sont assurément celles qui sont tournées dans les rames de métros, où la tension à lumière intermittente devient insoutenable, où les masques en nombre protègent les desseins d’un comique aliéné…
Que cache le sourire de Joker? Peut-être un rêve foulé aux pieds…
Joker
Date de sortie : 9 octobre 2019
Durée : 2h 02min
Réalisateur : Todd Phillips
Avec Joaquin Phoenix, Robert De Niro, Zazie Beetz….
Film découvert en avant-première au Cinéma Diagonal - Montpellier le mardi 8 octobre (5 Rue de Verdun, 34000 Montpellier ) Téléphone : 04 67 58 58 10
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