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Marguerite : reine des cœurs et monstre sacré des oreilles

  • Écrit par : Julie Cadilhac

MargueritePar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Tiré d'une histoire vraie, le long-métrage "Marguerite" a fait couler beaucoup d'encre élogieuse, notamment sur la prestation de l'actrice principale, Catherine Frot. Il faut dire que l'on a rarement vu la dame, aussi bien au théâtre qu'au cinéma, ne pas exceller. Catherine Frot a l'art et l'intelligence de choisir des rôles qui lui siéent à la perfection. Le rôle de cette parisienne fortunée des années 20, éprise de chants lyriques et n'ayant jamais réalisé qu'elle chantait comme une casserole - et le mot est faible!-, est un écrin pour ses airs indécrottables de sainte-nitouche attendrissante, d'amie généreuse et spontanée, d'épouse fidèle et touchante dans ses constants efforts pour rester parfaite. Oui, ce rôle de comtesse, c'est peut-être le plus beau rôle de la carrière de Catherine Frot...mais peut-être est-ce tout simplement parce qu'à la différence des autres rôles qu'elle a pu jouer avec les mêmes investissement et talent, s'ajoute ici une dimension nouvelle: celle d'une autobiographie singulière, le portrait d'une femme aussi exceptionnelle qu'excentrique à laquelle on s'attache irrémédiablement.

Le succès de Marguerite est d'abord dû ,évidemment, au casting sans fausse note. Pour accompagner cette diva de la haute bourgeoisie, André Marcon joue le mari écrasé de honte et infidèle avec une sincérité désarmante; Michel Fau est tordant dans son rôle de professeur de chant à l'allure d'Honoré de Balzac et aux apparats d'Oscar Wilde; la petite troupe qui l'accompagne, sorti tout droit de l'imaginaire des cabarets de la butte Montmartre, est tout aussi croquignolesque. On applaudira également la prestation de Denis Mpunga, majordome aux motivations aussi mystérieuses que chevaleresques. De même que ses
compagnons d'écran, il ne se laisse pas emprisonner par une interprétation trop simple...l'ambivalence flirte avec son regard, souvent mis en avant par la caméra d'ailleurs, et avec ses actes. Enfin les deux étourneaux qui ne cessent de se chercher sans se trouver, Hazel et Lucien Beaumont, apportent par leur délicatesse de jeu (Christa Théret) ou l'espièglerie de leur regard (Sylvain Dieuaide), une touche de fraîcheur qui s'additionne à celle, contagieuse, de Catherine Frot.

"Marguerite" narre la volonté inébranlable d'une femme de vivre sa passion mais révèle, en contrepoint, que le désir de se produire est le reflet d'une blessure narcissique amoureuse: Marguerite veut que son mari l'admire et la regarde. Marguerite veut être aimée et exister. Tout artiste cherche-t-il, au travers de ses œuvres, une reconnaissance qui lui manque? L'art n'est-il qu'un moyen de réparer les orgueils meurtris?
Émouvante leçon d'amour et d'abnégation, cette histoire ne nous dit pas simplement que l'amour répare tout ou permet d'éviter les concerts dissonants ; elle nous rappelle notre intransigeance et notre intolérance vis à vis de la différence et pose le doigt sur ce sentiment dévastateur, la honte, qui nait de notre désir permanent de ne pas sortir du moule. Lorsque les rires envahissent la salle du récital de Marguerite, le spectateur du film, lui, rit jaune. Car s'il s'est moqué aussi, lors des premières élucubrations sonores de la comtesse, il a ensuite appris à l'aimer. Que nous importe que Marguerite Dumont ne sache pas chanter si elle est heureuse quand elle extirpe de son gosier toutes ses notes délirantes?

Marguerite

Réalisé par Xavier Giannoli
Avec Catherine Frot, André Marcon, Michel Fau, Christa Théret, Denis Mpunga, Sylvain Dieuaide, Aubert Fenoy, Théo Cholbi, Sophie Leboutte, Astrid Whettnall...
Date de sortie: 16 septembre 2015 (2h7min)

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