Barbara : un biopic impressionniste où les frontières entre réalité et fiction se troublent à plaisir
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ C’est un biopic singulier que nous proposent Jeanne Balibar et Mathieu Amalric, pétri d’images aussi nostalgiques qu’esthétiques, troublant à l’envi et à l’envie la frontière entre la réalité d’images d’archives et la fiction, celle d’un film-hommage en train de se créer autour de la chanteuse Barbara.
On découvre une actrice, Brigitte(interprétée avec authenticité et sensibilité par Jeanne Balibar), qui s’apprête à jouer Barbara..alors elle se prépare évidemment! ça ne s’improvise pas. Elle étudie les gestes, les mimiques, l’élocution et la logorrhée parfois confuse de ce personnage, répète ses chansons, étudie les partitions…car le tournage va commencer bientôt. On la voit répéter ses scènes, s’imprégner peu à peu et plus ça va, plus ça avance, plus Brigitte est au final un peu Barbara. Le réalisateur aussi travaille, il se nomme Yves Zand ( incarné par le toujours étonnant Mathieu Amalric). Il converse avec des gens qui l’ont connue ( le journaliste Jacques Tournier notamment), explore les archives et se laisse doucement submerger par ses propres souvenirs de fan, se laisse envahir comme Brigitte par le fantôme de Barbara, par Brigitte... qui, elle aussi, est admirable dans son travail de composition d’un personnage.
Voilà un long-métrage sensible et délicat. Atypique et c’est ce qui fait tout son charme. Ne cessant de jouer de mises en abîme ( les décors se déconstruisent sous nos yeux; toute la machinerie du cinéma dévoilée ; l’illusion ne cessant d’être chahutée pour mieux être distillée ailleurs…) et dans une esthétique impressionniste affirmée, « Barbara » est un brillant hommage à cette chanteuse mi-russe mi-alsacienne dont on peut entendre dire dans le film « J’avais l’impression qu’il ne s’agissait jamais de la même femme ». De ses crises de diva à son visage fardé de blanc à l’oeil rehaussé d’eye-liner, de son amitié avec Jacques Brel à ses séances de dédicace, l’image ne cesse de jouer avec le spectateur, jouant notamment d’artifices en sépia pour brouiller la frontière entre Jeanne et Barbara. On réentend la poésie des paroles de cette dernière, la beauté mélodique de ses compositions avec émotion ; on vit des minutes décrochées merveilleuses - la scène avec le routier est par exemple grisante ; sorte de road-trip avec étape dans un bar d’autoroute où l’actrice déambule dans une tenue de scène (qui détone autant qu’elle subjugue dans le décor) et nuit de caresses dans une chambre rouge dans laquelle Jeanne Balibar crève l’écran de beauté naturelle.
Jacques Tournier explique : lorsque Barbara compose «Tout vient ensemble. Note après note, mot après mot. » Cette perfectionniste fait rimer son travail avec patience et obstination. Mathieu Amalric à l’air emprunté toujours charmant et Jeanne Balibar au panache d’aigle noir, la racontent avec la même exigeance artistique, en champs-contrechamps pertinents, nous offrent des scènes mémorables où le caractère insaisissable et improbable de cette auteur-compositeur-interprète s’épanouit en notes pleines d’émotion. Barbara et « son piano, son bateau ivre, son amant, son crapaud », Barbara "J’ose pas, j’ose pas mais quand j’ose, j’ose », Barbara, Mathieu, Jeanne… « Merci…et chapeau bas! »
Barbara
Date de sortie : 6 septembre 2017
Durée : 1h 37min
Réalisateur : Mathieu Amalric
Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Vincent Peirani, Aurore Clément, Grégoire Colin, Fanny Imber, Pierre Michon, Fanny Peirani…
Découvert en avant-première le 31 août 2017 au cinéma Diagonal ( Montpellier)
9 nominations aux César 2018
Deux Césars :
Meilleure actrice : Jeanne Balibar
Meilleur son : Olivier Mauvezin, Nicolas Moreau et Stéphane Thiébaut
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