Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Quelque part dans le futur, que l’on imagine post-apocalyptique. Les différentes communautés humaines se sont refermées sur elles-mêmes, excluant ceux qui ne sont pas utiles au groupe. La grande Babylone s’est développée, à grand renfort de technologie et fichant tous les citoyen·nes.

L’Église des Derniers Temps fait partie de ceux qui vivent loin de Babylone. Myriam a seize ans, et peine à trouver sa place parmi les siens, sans connaissances ou talent qui pourraient les aider. Un prédicateur lui offre alors une tâche capitale : devenir scribe. Elle devra récupérer les fragments de textes anciens qui leur sont parvenus, en faire une lecture cohérente et proposer un ensemble crédible, le livre de la Vérité. Entre ouvrages en lambeaux et récits oraux tant bien que mal conservés, la jeune fille va recréer un évangile, un recueil qui aborde de grands thèmes essentiels. Puisant dans des histoires aussi diverses que Le Lac des Cygnes, Cendrillon, le mythe d’Œdipe, des passages de la bible (de Lucifer à Jacob), ou des incises de Kundera par exemple, Myriam va revisiter des éléments qui nous sont familiers, en les tordant pour en extraire un message inédit et très structuré.

La lecture de LÉvangile selon Myriam est déroutante, tant on a du mal au départ à comprendre où veut aller l’autrice, et ce dont elle parle vraiment. Pourtant, on se laisse embarquer par une écriture vive, incisive, non dénuée d’humour, et on accepte tout simplement de (re)découvrir ces morceaux de culture qui font partie de notre imaginaire, que l’on pense connaître, mais que Ketty Steward arrive à montrer sous un nouveau jour.

Nous avons fini le roman un peu dubitatifs, intéressés, voire intrigués, mais avec l’impression de ne pas forcément avoir tout compris. Pour autant, y a-t-il quelque chose à comprendre absolument ? Hormis sans doute le fait que les récits, le livre, les mots sont ce qui fonde des cultures, des civilisations, mais que chaque niveau de lecture propose des chemins différents ? Que nous lisons aussi avec ce que nous sommes, et en modifions ainsi la signification ?

L’idée est brillante, la construction intelligente, l’écriture fluide et maîtrisée, et on obtient à l’arrivée un roman singulier et quelque peu mystérieux.

L’évangile selon Myriam
Autrice : Ketty Steward
Éditions : Mnémos
Parution : 8 octobre 2021
Prix : 18 €